EBOULEMENTS DE MBANKOLO : CATASTROPHE CLIMATIQUE OU DESORDRE URBAIN ? INDICES PROPABLES DE SOLIFLUXION  !

A compter du 08 Octobre 2023, une série de pluies diluviennes se sont abattues sur la ville aux 7 collines. Le lendemain, autour de 19h,  après une coupure d’électricité, le drame s’est accentué, se manifestant par un éboulement phénoménal qui a emporté au passage plusieurs maisons d’habitations, entrainant des pertes en vies humaines, et des blessés graves sur un rayon de 300 mètres environ.

Le coupable est vite désigné, en la personne du Ministre du travail et de la sécurité sociale, dont la résidence est située dans les encablures du lieu de la catastrophe, il est  accusé de contribuer au désordre urbain. Les auteurs de ces accusations font état de la rupture d’une digue de rétention d’eau autour du lac artificiel construit par les soins du coupable désigné.  Vérification faite, la rétention d’eau visible sur Google Earth n’est pas dans la résidence du Ministre, mais plutôt en contrebas. En outre, les plus lucides parmi les riverains admettent que le lac artificiel daterait de l’époque coloniale Allemande. Au vu de la vétusté des matériaux utilisés, l’on comprend que l’opinion publique s’est hâtée d’incriminer un haut fonctionnaire de l’Etat, alors que le coupable se trouvait ailleurs.  

Grégoire OWONA; Ministre du Travail et de la Sécurité Sociale.

La journée mondiale de l’habitat se célèbre chaque premier lundi du mois d’Octobre, le thème de 2023 était  « économies urbaines résilientes : les villes, moteurs de la croissance et de la reprise ». Il s’agissait de mobiliser les acteurs urbains pour discuter des moyens de préparer les villes à la reprise, après les bouleversements économiques causés par la crise sanitaire du Covid-19, suivie du conflit entre l’Ukraine et la Russie. Le rapport «  Perspective de l’économie mondiale » publié par le FMI démontre que 2023 est une année particulièrement difficile pour les économies urbaines. La croissance est en baisse de 2,5%, un taux  considéré comme le plus faible enregistré depuis 2001. Compte tenu de la place qu’occupe la contribution des villes dans l’économie nationale, l’avenir de nombreux pays sera déterminé par la productivité de leurs zones urbaines.

Mont Mbankolo; lieu du drame.

L’urbanisation croissante est donc un facteur qui contribue au développement durable ; mais ceci doit se faire dans un cadre règlementaire, afin que les changements climatiques qui se manifestent par des précipitations incontrôlées, soient maitrisées. Pour ce faire, l’habitat durable vise entre autres à promouvoir l’utilisation rationnelle des ressources naturelles, pour une meilleure adaptation aux effets  des changements climatiques. Il s’agit de contribuer à une urbanisation contrôlée, tenant compte des facteurs d’atténuation et de résilience face aux catastrophes naturelles. L’on est en droit de questionner comment a évolué l’urbanisation du quartier Mbankolo, dont la situation géographique a attiré l’attention de plusieurs personnes éclairées sur les dangers auxquels étaient exposés ses habitants.

Extrait de « Indices probables de solifluxion sur les pentes du Mont Mbankolo à Yaoundé (Intertropical type of solifluxion deposits. Cameroon) »
[article] Bulletin de l’Association de Géographes Français  Année 1993  70-2  pp. 109-113

Le rapport d’une étude publiée en 1993 par Michel BROCHU, Joseph TANGOUENTA et Michel TCHOTSOUA, démontrait déjà qu’une « coupe routière à la périphérie nord-ouest de Yaoundé permet d’observer un matériel qui présente les caractères d’un dépôt de solifluxion : fragments rocheux disposés parallèlement à la pente ; matrice plastique, visqueuse (argile : 37%, eau : 8%). Il s’agit par effet de convergence  d’un dépôt de solifluxion développé en milieu subéquatorial ». La solifluxion est définie en géologie comme étant un glissement de terrain consistant en un lent écoulement de boue. Elle se manifeste par la descente sur un versant de matériaux boueux ramollis par l’augmentation de leur teneur en eau liquide.

Une vue du lieu de la catastrophe

Il y’a de cela 30 ans donc, que les conditions étaient déjà réunies pour décrier l’affleurement rocheux qui surplombe le site du Mont Mbankolo. Sans oublier l’évolution du couvert forestier dont la diminution suite à une urbanisation galopante a facilité l’’infiltration des eaux en saison pluvieuse. Ce phénomène de type intertropical rarement observé en climat chaud, conjugué à l’occupation anarchique des terres par une population ignorante des risques qu’’elle encourait, ont favorisé la survenue de la trentaine de décès, et plusieurs blessés graves, ainsi que des dizaines de disparus, enregistrés jusqu’ici par l’’éboulement de Mbankolo. Tout en saluant le travail des secouristes à pied d’œuvre sur les lieux du drame ( une survivante en photo de titre), nous adressons nos sincères condoléances aux familles des victimes. La rédaction de tribuneverte.online appelle à plus de vigilance dans les critères de sélection des lieux d’habitation des populations, et un meilleur accompagnement par les experts du domaine de l’habitat durable, afin que les moyens de prévention de pareilles catastrophes soit effectives.

Auteure: Ange ATALA