Appropriation  de l’article 6 de l’Accord de Paris, par les parties prenantes de la CDN au Cameroun

C’est dans le cadre d’une série d’ateliers, à l’initiative du RCC, que le renforcement des capacités, couplé à la consultation des parties  prenantes de la CDN (Contributions Déterminées Nationales), ont examiné le cadre de faisabilité des instruments de la tarification du carbone au Cameroun et l‘article 6 de l’Accord de Paris.

Du 24 au 26 septembre 2024,  à l’hôtel Merina de Yaoundé, les concepts relatifs au marché du carbone ont fait l’objet des échanges menés par les experts du Centre Régional de Collaboration pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale (RCC West and Central Africa) en coopération avec le MINEPDED. Ont pris part aux discussions, différents acteurs parmi lesquels nous citeront : les cadres d’administrations sectorielles, les partenaires techniques et financiers, les représentants des secteurs privé/entreprises, les communautés urbaines, le monde des experts et des chercheurs, ainsi que les acteurs de la société civile.

Le RCC West and Central Africa (Centre Régional de Collaboration pour l’Afrique de l’Ouest et Centrale) a été établi en 2013 par l’UNFCCC (Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques) en partenariat avec la Banque Ouest Africaine de Développement (BOAD). Ce centre a pour mission de soutenir l’action climatique nationale à travers :- 1°le renforcement des capacités, en  offrant des formations et des ateliers pour améliorer les compétences locales en matière de climat. Mais également  –2°l’assistance technique : pour fournir des conseils et des outils techniques pour la mise en œuvre des politiques climatiques. Ceci dans le but de déboucher sur un – 3°réseautage stratégique : qui va faciliter les échanges entre les différents acteurs du climat pour partager des connaissances et des ressources. Le RCC West and Central Africa couvre 25 pays de l’Afrique de l’Ouest, l’Afrique centrale, et Madagascar.

Pour atteindre les objectifs qui sont les siens, le RCC organise des ateliers et des formations pour renforcer les capacités des parties prenantes locales à comprendre et à mettre en œuvre des mesures de tarification du carbone. Ces initiatives sont cruciales pour aider les pays à atteindre leurs objectifs de réduction des émissions dans le cadre de l’Accord de Paris. A l’entame des discussions, M. Walters Tubua, en sa qualité de UNFCC Regional Lead,  a démontré l’importance d’une telle activité tout en soulignant sa  volonté que la structure qu’il représente soit d’un support dans les objectifs de réduction des émissions des GES du Cameroun au regard de ses engagements relatifs à l’Accord de Paris.

Un message qui a trouvé un écho favorable auprès du représentant du Ministre de l’Environnement, de la Protection de la Nature et du Développement Durable (MINEPDED) en la personne de M. Kagonbe Timothée, Sous-directeur au monitoring écologique et Point Focal de la CCNUCC au Cameroun. Dans son discours, il a rappelé les enjeux globaux des changements climatiques et a réaffirmé l’engagement du Cameroun, à travers sa CDN, à réduire de 35 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Il a par la suite insisté sur l’importance de la tarification du carbone comme une opportunité de développement durable et un levier pour harmoniser les efforts de réduction des émissions avec la Vision 2035 du Cameroun.

M. Timothée Kagonbe lors de son allocuation.

Philippe Missi Missi, Expert CDN et LT-LEDS ( Long-Term Low Emissions Developement Strategies) auprès du RCC, a effectué une présentation axée sur les objectifs et les fondements juridiques des Contributions Déterminées au niveau National (CDN) dans le cadre de l’Accord de Paris. Il a rappelé que les CDN sont au cœur de la mise en œuvre de cet accord, en représentant les efforts nationaux pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et s’adapter aux impacts du changement climatique. Ce d’autant plus que l’’Article 4 de l’Accord de Paris exige que chaque pays communique, actualise et mette en œuvre ses CDN tous les cinq ans. L’Article 4.2 stipulant l’obligation de mettre en place des mesures d’atténuation pour atteindre les objectifs de ces contributions, tandis que l’Article 4.9 impose une communication régulière des CDN successives, prenant en compte les résultats du bilan mondial prévu à l’Article 14. Ce cycle de révision quinquennal permet de mesurer les progrès collectifs et d’encourager une augmentation continue de l’ambition nationale.

Il a par ailleurs ajouté que chaque CDN successive doit représenter une progression par rapport à la précédente, en accord avec l’Article 4.3, et refléter le plus haut niveau d’ambition possible en tenant compte des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives de chaque pays. Il a souligné la nécessité d’assurer la transparence et la responsabilité dans la mise en œuvre des CDN à travers le Cadre de Transparence Renforcé. Les défis liés à la mobilisation des financements ont été discutés lors de la séance de questions ouvertes à l’assistance, plusieurs ont cerné l’importance de l’appui international pour le transfert de technologies et le renforcement des capacités.

 Enfin, Philippe Missi Missi a mis en avant l’importance d’assurer la cohérence entre les politiques nationales et les objectifs climatiques globaux, tout en promouvant les co-bénéfices du développement durable, tels que la création d’emplois, l’amélioration de la qualité de l’air et de la santé publique. Il a rappelé que les décisions comme la Décision 1/CP.21, paragraphe 17, soulignent l’urgence de combler l’écart des émissions avant 2020 et d’intensifier les efforts d’atténuation. Cette présentation a fourni un cadre clair et détaillé des exigences légales et des processus de révision nécessaires pour la mise en œuvre efficace des CDN dans le contexte de l’Accord de Paris.

Dans une approche beaucoup plus pragmatique, Bernard Ayittah a approfondi le fonctionnement des marchés du carbone et les mécanismes coopératifs de l’Article 6 de l’Accord de Paris. Il a expliqué comment les marchés volontaires et réglementés, ainsi que les mécanismes comme les Transferts Internationaux de Résultats d’Atténuation (ITMOs) et le Mécanisme de Développement Durable (Article 6.4), facilitent la coopération internationale pour atteindre les objectifs climatiques. Ont également  été abordés les défis associés, tels que la double comptabilisation des réductions d’émissions, l’intégrité environnementale et les coûts de conformité. Cette présentation a mis en lumière les bénéfices potentiels pour les pays en développement, y compris l’accès aux financements climatiques et aux technologies propres, ainsi que l’amélioration des capacités institutionnelles. Il en est ressorti l’urgence d’établir des cadres de gouvernance robustes pour assurer le succès des mécanismes de l’Article 6 et maximiser les bénéfices pour les pays participants.

Le Cameroun a démontré une ferme intention d’explorer les instruments de tarification du carbone et le potentiel qu’ils représentent pour limiter la croissance des émissions et des revenus mobilisés pour le climat. L’on en veut pour preuve, l’intégration d’objectifs de tarification du carbone dans sa CDN (2021) et sa stratégie nationale REDD+ (2018). De plus, une circulaire du Président de la République du 30 août 2023 a indiqué les considérations du pays pour l’introduction d’une taxe carbone au cours de l’exercice fiscal 2024.

La tarification carbone peut apporter plusieurs avantages au Cameroun, nous citerons entre autre :1) la réduction des émissions de carbone : en imposant une taxe sur les émissions de CO2, les entreprises sont incitées à réduire leur pollution pour éviter des coûts supplémentaires. 2) l’augmentation des revenus fiscaux : les fonds collectés grâce à la taxe carbone peuvent être utilisés pour financer des projets de développement durable et des initiatives environnementales. 3) l’accès aux financements verts : en adoptant des politiques de tarification carbone, le Cameroun peut mieux se positionner pour attirer des financements internationaux dédiés aux projets verts et durables. 4) l’innovation et la compétitivité : les entreprises seront encouragées à innover et à adopter des technologies plus propres, ce qui peut améliorer leur compétitivité sur le marché international.

Mis en œuvre dans les secteurs de l’énergie, de l’agriculture, des transports, de l’industrie, de la construction, de l’éducation, la gestion des déchets… ces mesures peuvent non seulement aider à protéger l’environnement, mais aussi stimuler l’économie locale en créant de nouvelles opportunités d’emploi et  favoriser une croissance durable. S’agissant de l’énergie, il a été exhorté au représentant de ENEO (Energy of Cameroon), présent dans la salle, d’investir dans des sources d’énergies renouvelables comme le solaire, l’éolien et l’hydroélectricité pour réduire leurs émissions de carbone. En outre, à HYSACAM (Hygiène et Salubrité du Cameroun), il est demandé la mise en place de systèmes de gestion des déchets plus efficaces, tenant en compte le recyclage et la valorisation énergétique des déchets, pour réduire les émissions de méthane et favoriser ainsi l’économie circulaire. Ces secteurs et bien d’autres peuvent non seulement réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, mais aussi bénéficier de nouvelles opportunités économiques et d’innovations technologiques par la finance inclusive qu’offre le marché du carbone.

Ange ATALA