Causerie éducative avec les paysans de Gaschiga sur les alternatives aux pesticides chimiques

Le Réseau de Lutte contre la Faim (RELUFA) accompagne cette démarche de renforcement des capacités des acteurs locaux, dans une stratégie de gestion durable des ressources naturelles.

A la périphérie de Garoua se trouve la commune de Gaschiga,  située à 25 km de la frontière avec le Nigéria,  dont la ville de Yola est la plus proche (à 180 km). Une proximité qui présente des avantages en ce que c’est le lieu de transit de plusieurs marchandises, mais pas que, puisque les engrais chimiques font partie de ces produits facilement accessibles. L’usage de ces fertilisants  chimiques est décrié, en ce qu’ils causent la dégradation des surfaces cultivables, mais également la destruction des microorganismes, et partant, la pollution des sources d’eau, et même des nappes phréatiques. L’une des salles de conférence de la chefferie de Demsa, a accueilli plusieurs participants à cette réunion de sensibilisation, parmi lesquels on comptait les commerçants, des éleveurs et majoritairement des agriculteurs.

Cette initiative découle du projet de Renforcement de l’Engagement des Acteurs Locaux dans la Gouvernance des Ressources Naturelles dans les régions du Septentrion Cameroun (REAL-GRNS),  mis en œuvre par un consortium. Il s’agit du FODER (Forêt et Développement Rural), du CED (Centre pour l’Environnement et le Développement) et le RELUFA, en partenariat avec l’Union Européenne. Les bénéficiaires de ces informations se sont montrés reconnaissants de cette initiative, car ils voient leurs rendements agricoles diminuer au fil du temps, pour les raison citées plus haut, dont ils ignoraient la portée. 

Commerçants, agriculteurs, éleveurs, attentifs sur les effets nocifs de l’usage des engrais chimiques.

Parmi les participants, Mme Fanta Moustapha, Présidente de réseaux de plusieurs associations de femmes, parmi lesquelles la coopérative SCOOP NEYMA Forestier de Demsa, qui fait dans l’exploitation des PFNL (Produits Forestiers Non-Ligneux). Elle confirme : « autrefois notre alimentation était riche, et nous donnait une très bonne santé, aujourd’hui nos vies sont en danger, dû à l’exposition aux maladies que nos ancêtres n’ont pas connus, suite à la consommation des aliments contaminés. D’ailleurs le vrai goût de l’oignon a disparu, et les sauces pourrissent en moins de 24heures ». En outre, les firmes qui font dans l’industrialisation de ces engrais chimiques  favorisent la détérioration de la qualité de l’air.  Car la fabrication et l’épandage des engrais libèrent des polluants atmosphériques comme les particules fines et les oxydes d’azote, pouvant causer des problèmes respiratoires    et cardiovasculaires.

Mme Fanta Moustapha  » les engrais chimiques détruisent notre environnement, nous allons contribuer à la sensibilisation de nos populations sur les dangers de leur usage » .

M. Abdou-raman Mamoudou, expert en sécurité alimentaire pour le compte de RELUFA  dans le cadre de l’implémentation de ce projet,  a souligné : «  les  agriculteurs de la région font face à plusieurs défis, certains liés aux changements climatiques, conflits agropastoraux,  mais à cela s’ajoute la dégradation des terres agricoles, suite à l’utilisation des engrais chimiques. L’agriculture est la principale source de revenus des familles, c’est difficile de demander aux personnes de diminuer l’usage des engrais chimiques qui leur donnent l’impression d’augmenter leurs productions, d’où les solutions alternatives par les bio pesticides que nous leur apprenons à fabriquer ». Les conséquences des mauvaises pratiques agricoles s’étendent tant sur la santé des hommes, que celle des animaux, en plus d’être une menace réelle pour la biodiversité locale, déjà diminuée à cause de la canicule observée en saison sèche. 

        

Plusieurs membres des OSC ( Organisations de la Société Civile) locales ont honoré de leur présence.

Pour minimiser les effets négatifs des engrais chimiques sur le sol, plusieurs pratiques peuvent être adoptées. A l’issu de cette réunion, l’expert a encouragé l’utilisation d’engrais organiques tels que : les composts, fumiers et autres bio pesticides pour améliorer la structure du sol et augmenter sa capacité à retenir de l’eau et les nutriments, tout en réduisant les risques de pollution. Car en plus d’être un risque de santé, les engrais chimiques appauvrissent les paysans qui les acquièrent à des prix onéreux. Soulignons que le conflit russo-ukrainien a contribué à une augmentation des prix de ces engrais. D’après une agricultrice, le coût est passé de 15 000 à 40 000 F Cfa entre 2022-2023. À en croire les données compilées par l’INS (Institut National de la Statistique), les engrais représentent 17% des importations du Cameroun depuis la Russie.

M. Abdou-raman Mamoudou en visite dans l’unité de transformation de la coopérative SCOOP NEYMA Forestier de Demsa, dont les déchets après extraction de l’huile de neem servent à la fabrication des bio pesticides.

Malgré le fait que les achats de ces intrants agricoles ont culminé à 228 326 tonnes à fin 2023, pour une dépense globale estimée à 70,9 milliards de FCFA, ils ne constituent pas une solution durable. Néanmoins, nous reconnaissons que des menaces pèsent sur les cultures des agriculteurs locaux, à l’instar de l’attaque aux chenilles  légionnaires, un insecte ravageur qui attaque principalement la culture du maïs. Les solutions alternatives aux engrais chimiques existent et  s’adaptent aux ingrédients que l’on trouve sur place, et qu’on peut soi-même fabriquer. Parmi les bio pesticides nous citerons ceux à base de : neem, ail, piment, et papaye. Le processus de fabrication de ces engrais biofertilisants fera l’objet de plusieurs formations pratiques dans les jours à venir.

Ange ATALA