A l’occasion de la 13èm édition de cette célébration, le Lycée Général Leclerc a accueilli une centaine de jeunes lycéennes, en provenance de 07 établissements de la ville de Yaoundé, le 11 octobre dernier. Mme le Ministre de la Promotion de la Femme et de la Famille (MINPROFF), Pr. Marie Thérèse Abena Ondoa a prêté une oreille attentive aux recommandations formulées par les adolescentes à l’issue du forum des jeunes filles, tenue en l’occasion. La présence remarquée des autorités administratives, et des partenaires techniques à l’instar de l’UNICEF, et de Plan International Cameroon, est venue rehausser la symbolique de la cause.
Pensée en vue d’un développement inclusif des jeunes filles, la journée a été proclamée par l’Assemblée générale des Nations Unies dans le cadre de la résolution 66/170 du 19 décembre 2011. Cette résolution vise à reconnaître les droits des adolescentes et à attirer l’attention sur les défis uniques auxquels elles sont confrontées dans le monde entier. Défis parmi lesquels nous citerons, le manque d’accès aux kits d’hygiène menstruelle, une éducation inclusive, mais aussi et malheureusement : les violences sexuelles.
Le 29 août 2024, c’est pleine de malice, que la brave et insouciante June Orphée s’est absentée pour quelques moments de jeux dans la cour commune de la résidence dans laquelle sa famille vit au quartier Bonapriso à Douala. Son père Emile Gaston Bissossolo affirme : « on l’a perdu de vue pendant une heure de temps, au sein de la concession. Mais elle n’en est jamais sortie en réalité ». Au bout de quelques heures de recherche, c’est le corps sans vie, que la petite sera retrouvée noyée dans le sous-sol d’un chantier abandonné, au sein même de la concession familiale. Elle n’avait que 5 ans et 4 mois, l’autopsie révèlera des traces de sévices dans les parties intimes de la gamine : « des assauts à caractère sexuel d’une violence indescriptible », nous confie le père de famille meurtri par la douleur de cette disparition brusque. La violence et la rapidité de l’acte, dans des circonstances abjectes, ont choqué plus d’un, au point où l’évènement a donné lieu à une campagne digitale à travers les réseaux sociaux. Le hashtag #JusticePourOrphée est devenu viral, pour dénoncer cette entorse au respect des droits humains, dû à tout citoyen. Mais le plus difficile à gérer est le silence des autorités, qui plus de 1 mois après les faits, n’ont pas encore démontré d’un engagement à donner des conclusions de l’enquête menée.
Un tableau sombre qui contraste avec le discours introductif de Mme le Maire de la commune de Yaoundé 3, ex Proviseure de l’établissement qui abrite la cérémonie. Mme Elisabeth Tonga, a émis le souhait que : « les systèmes de protection dont ont besoin les jeunes filles soient intégrés dans l’agenda 2030, action qui vise à ne laisser personne de côté ». Des paroles qui ont trouvé un écho favorable auprès de Mlle Nguimbous Michelle, élève en classe de seconde espagnole au LGL, qui a partagé l’économie des travaux menés depuis le matin en terme de causeries éducatives, elle dit : « on nous a encouragé à nous concentrer sur notre avenir, à l’utilisation responsable des réseaux sociaux, mais aussi des techniques d’hygiène menstruelle respectueuses de notre santé et comment éviter les grossesses précoces ».
Les AGAB.
Les partenaires cités plus haut, conviés à la commémoration de cette journée sur le thème évocateur : « la vision de la jeune fille pour le futur », ont également donné de la voix, pour démontrer leur volonté affichée de soutenir ces axes d’intervention, en faveur de la jeune fille. Mme Nadine Perrault, représentante de l’UNICEF au Cameroun, s’est directement adressée aux jeunes filles ainsi: « chères filles, UNICEF Cameroun s’engage auprès de vous, en vous plaçant au centre des actions, écoutant vos besoins, pour un climat sûr et favorable à votre développement, faites entendre vos idées dans tous les espaces qui vous sont dédiés. Nous sommes conscients que votre contribution est cruciale pour un avenir meilleur des générations futures ». Ce qui s’est traduit par la mise en place d’un groupe consultatif de jeunes filles désignée par « AGAB » (Adolescent Girl Advisory Board), dont certaines étaient présentes dans la salle. Ces jeunes filles sont régulièrement consultées pour les programmes de l’UNICEF au Cameroun en matière de santé, nutrition, éducation, protection sociale, et même à propos des sujets tabous. D’ailleurs c’est le cas de relever que ces jeunes filles se sont baladées dans la salle pour présenter les prototypes de kits d’hygiène menstruelle réutilisable, conçus pour les jeunes filles qui ont des revenus faibles. Le but de l’initiative est de réduire le taux d’absentéisme des jeunes filles, contraintes de manquer les cours, faute de moyen de se procurer des serviettes hygiéniques, en période de menstruations.
Une AGAB présentant un kit d’hygiène menstruelle lavable.
Une action soutenue dans le temps, par un engagement multi acteur, grâce à la présence significative de Plan International Cameroon, actif au Cameroun depuis 27 ans, l’organisation humanitaire et de développement, œuvre pour la promotion des droits des enfants et de la jeune fille en particulier. M. Mohamed BAH, Directeur pays de Plan International Cameroon, affirme que malgré le fait que 54% de jeunes filles vivent dans la terreur, il a tenu à saluer la résilience, la détermination et l’optimisme des communautés de jeunes filles en zones de conflits comme c’est le cas à Minawao, Kousseri, Kumbo, Mamfé. D’après le rapport mondial sur la situation de la jeune fille, des progrès ont été réalisés dans 10 pays, dont le Cameroun. Quoique, malgré tous ces efforts, 122 millions restent excluent de l’école, il en a profité pour lancer un appel à l’apaisement, il dit : « l’accès à une éducation de qualité est crucial pour leur autonomisation. Le rapport appelle à des actions concrètes pour la paix dans les zones en crise, pour lever les obstacles à l’éducation de la jeune fille. Une invitation à construire un monde qui permette aux jeunes filles de réaliser leurs pleins potentiels ».
C’est pour créer un climat favorable à ces différents souhaits, que le gouvernement du Cameroun, à travers le MINPROFF, au sein de la direction de la promotion et de la protection des droits de l’enfant, a mené une campagne nationale de lutte contre les violences sexuelles sur les enfants. Débutée en février 2023, la stratégie globale de ladite campagne était de former sur la prévention des cas de violences, l’exposition à la cyberpornographie, les dialogues intergénérationnels, et la mise sur pieds d’un numéro vert (116) pour dénoncer les cas d’abus sexuels sur jeunes filles. Monsieur Jean Baptiste Nyebel, Sous-Directeur de la section en charge de la campagne, a livré les recommandations suivantes : – élaboration d’un guide simplifié d’accompagnement des acteurs sociaux sur la lutte contre les Violences Sexuelles sur les Enfants ( VSE)- renforcement des capacités des acteurs sociaux sur les droits de l’enfant – mise en place d’une plateforme de dénonciation et de lutte contre les VSE . « Bien que la campagne soit arrivée à terme, une cellule de suivi au sein du MINPROFF est chargée d’assurer la pérennité de ces actions », nous a assuré Leonelle Munongo, cadre au sein du MINPROFF.
M. Jean-Baptiste Nyebel. » dans les jours à venir, il est prévu la formation des forces de sécurité pour accompagner les familles dans les cas de violences sexuelles sur mineurs, afin de limiter les arrangements à l’amiable qui ne rendent pas justice aux crimes commis. Une enfant a besoin d’être protégée de tous, nous voulons à long terme l’épanouissement de toutes les jeunes filles ».
La population de jeunes filles du Cameroun est estimée à 12%, parmi les 26 millions d’habitants que compte le pays. Mme le Ministre, Pr. Marie Thérèse Abena Ondoa a déploré le fait que : « la jeune fille d’aujourd’hui est touchée de manière disproportionnée par les causes liées au climat, conflits divers, effets pervers des TIC, à la pauvreté, et en matière de droits de l’homme. Une pensée particulière pour les jeunes filles déplacées internes, suite aux conditions climatiques extrêmes. Les conséquences des agressions sexuelles sur les jeunes filles sont les pires, car elles conduisent à un sentiment de honte, de repli sur soi, d’abandon scolaire, d’infection aux maladies, et même à la mort. Pourtant ce sont elles les futures épouses et femmes au foyer, il nous revient d’œuvrer en faveur de ces agents de développement de demain ». Interrompant son discours, Mme le Ministre a invité quelques jeunes lycéennes à s’exprimer sur leurs objectifs de carrière, une contribution à affûter leurs armes, pour une vision plus claire de leur avenir.
Ange ATALA