Face à la crise climatique, la ville de Garoua repense des solutions éco-responsables d’adaptation

En marge des activités liées à la célébration de la journée mondiale de la créativité et de l’innovation, l’Aprèm ’Soutenable s’est tenue ce 20 avril 2024 à l’Alliance française de Garoua. Sous le thème «  solutions éco-responsables face à la crise climatique dans le sahel ».

La ville de Garoua a la réputation d’être l’une des villes les plus chaudes du Cameroun, du fait de sa situation géographique et de son relief.  En effet le climat est caractérisé par des extrêmes de températures enregistrés tout au long de l’année.  La température varie généralement de 18 °C à 40 °C, est rarement supérieure à 43 °C, mais un record de température de 47°C a été enregistré en mars 2024. Ce qui est bien le signe alarmant que le réchauffement climatique s’intensifie dans la région, cette canicule laisse la population perplexe  et  fragilise un écosystème déjà aride. La journée a démarré avec les fresques du développement Soutenable, animé par les bénévoles de l’association Soutenable à l’initiative de cet Aprèm’Soutenable.

Fresques du développement Soutenable (version enfant) , en la présence de Mme Hyacinthe Porcher, Directrice de l’Alliance française de Garoua .

Fresques du Développement Soutenable (version adulte), avec les membres du Conseil National de la Jeunesse du Cameroun (CNJC).

  L’exposé de M. Dahirou Greng, chef service météorologie en service à la délégation du ministère des transports de la région du Nord a permis de mesurer l’ampleur du phénomène . Ces observations météorologiques favorisent des courants de convection qui entrainent des fortes précipitations, ayant pour conséquence des vents violents et des inondations dont les plus récentes ont causé la destruction de 4000 Ha de terres, occasionnant d’énormes  pertes en termes de rendement agricole pour ne citer que cela. C’est pour freiner cette montée de l’insécurité alimentaire que des solutions  en respect avec les règles de protection de l’environnement, adaptées au contexte local sont à explorer.

Diwa Innovation, une solution pour la conservation des produits thermosensibles

Partant du constat selon lequel 25% de la production agricole se dégrade par manque des infrastructures de conservation, et que 50% de tous les vaccins qui sont livrés off-grid dans les régions sahéliennes perdent de leur efficacité, la start-up Diwa Innovation propose des solutions éco-responsables. Présent à cette conférence en sa qualité de CEO de  Diwa Innovation, M. Didier Dinamou bénéficie d’une reconnaissance internationale depuis son récent Prix EDF Pulse Africa 2024, ainsi que le Prix spécial de l’innovation sociale et environnementale Cameroun, Fond proto en 2021.

Présentation d’un prototype de réfrigérateur en terre cuite, de la start-up Diwa Innovation.

L’innovation et la créativité de cette jeune structure associe deux technologies alliant modernité et tradition : compression mécanique et évapotranspiration. Il s’agit des frigos modernes en terre cuite qui produisent le froid, et des chambres froides positives pour la conservation des légumes sans besoin d’une électricité instable , à base d’énergie solaire. Pour un coût abordable, cette solution à petite échelle s’adresse à différents secteurs d’activité : les formations sanitaires, les commerçants, les agriculteurs, les ménages.

L’innovation et la créativité comme levier de création de richesses dans le sahel

Les Nations Unies ont instauré la journée de la créativité et de l’innovation  le 21 Avril de chaque année depuis 2017, dans le but de rappeler la nécessité de ressortir le potentiel économique non exploré des régions en proie au sous-développement. Innovation et créativité oui, mais pas à tous les prix. L’innovation de Dubaï a récemment été mise en cause dans les inondations exceptionnelles qui ont frappé cette ville, l’équivalent de 120 mm3 d’eau s’y est déversé en l’espace de 24H, causant des dégâts significatifs sur les infrastructures, mais aussi des pertes en vies humaines. Ce paradis urbain situé aux Émirats Arabes Unis, a subi des précipitations torrentielles d’une virulence exceptionnelle, un phénomène rare dans cette région au climat désertique. D’ailleurs une courte vidéo témoignant de la violence de la catastrophe a été projetée à l’occasion pour alerter le public venu assister.

Yérima Ahmadou Moustapha Ahidjo: « les jeunes gagneraient à associer la modernité à la tradition pour un partenariat gagnant-gagnant ».

L’une des pratiques controversées pointées du doigt est l’ensemencement des nuages. Cette technique, également appelée géoingénierie, consiste à injecter des substances comme de l’iodure d’argent ou du dioxyde de carbone solide dans les nuages. Ces substances agissent comme des noyaux de condensation, facilitant la formation de gouttelettes d’eau ou de cristaux de glace et provoquant ainsi des précipitations. L’État de Dubaï utilise cette méthode pour augmenter la quantité de pluie ou de neige qui tombe d’un nuage, surtout dans les régions où les précipitations naturelles sont rares. Cependant, les scientifiques s’accordent à dire que l’ensemencement des nuages ne peut pas être la seule cause de ces pluies abondantes. D’autres facteurs, tels que le changement climatique, sont largement invoqués.

Mme Tizi Haman Sylvie. « j’étais une rebelle qui ne se souciait pas de la nature avant, mais j’ai été formé pour préserver les ressources naturelles, et elles m’ont tout donné ».

 Néanmoins cet épisode enregistré dans un climat aride tout comme le sahel, vient alerter sur la nécessité d’innover sans empiéter sur les ressources naturelles. A ce niveau l’intervention de Mme Tizi Haman Sylvie, en tant que présidente de l’association des femmes de la commune de Garoua 3, a été significative. En ce qui concerne la question de l’énergie, sa prise de parole est venue éclairer le public sur la technique de fabrication du charbon écologique qui permet le recyclage des déchets plastiques et organiques. Pour ce qui est de la résilience agricole, elle a partagé la technique d’amendement du sol consistant à planter des acacias nilotica autour des plans de culture comme haie contre les animaux errants. En plus de favoriser la rétention d’eau, ses branchaisons constituent des fertilisants naturels en zone non irriguée. L’innovation industrielle à petite échelle se perçoit  dans la création d’une usine de transformation locale des produits forestiers non ligneux, d’ailleurs la coopérative dont elle a la charge a obtenu une certification de l’ANOR (Agence des Normes et de la Qualité du Cameroun). Ce sont autant d’activités génératrices de revenus, qui viennent en soutien aux femmes et aux jeunes, pour booster l’économie familiale et partant, celle de la région.

Implication des autorités traditionnelles dans la sensibilisation des communautés

La sensibilisation est essentielle pour que les communautés locales adoptent de meilleures pratiques, et pour ce faire, l’influence des autorités traditionnelles mise à contribution est un atout pour s’adapter aux défis des changements climatiques. C’était l’occasion de rappeler l’engagement du Lamidat de Demsa, dont le précédent Lamido a initié un projet de plantation de 3000 arbres. Le Yérima Ahmadou Moustapha Ahidjo, en sa qualité de porte-parole du Lamido cité précédemment a souligné leur engagement à mobiliser  les femmes et les jeunes dans tous les programmes tant du gouvernement, que des OSC locales pour sensibiliser à l’adoption de meilleures pratiques pour la préservation des ressources naturelles. Ces gardiens de la tradition se veulent des acteurs phares du développement durable, tout en gardant une ouverture aux nouvelles technologies.

Des étudiants, jeunes chercheurs , professionnels de divers horizons ont honoré de leur présence.

La séance d’échange avec le public a permis à M. Greng de dresser le tableau des solutions que le gouvernement préconise en ce qui concerne l’aspect prévision météorologique, pour atténuer l’effet de surprise et réduire les dégâts des changements brusques de température dans la région du Nord. Nous citerons entre autres : la formation et le recrutement des ingénieurs météorologues et métiers connexes, l’instauration d’une politique de vulgarisation des bulletins météo prévisionnels, la promotion des semences adaptées aux différentes zones agricoles, avec précision sur les cycles de culture. L’implication va jusque dans le domaine du génie civil, pour l’utilisation de matériaux locaux, et la vulgarisation de l’expertise des ingénieurs météorologues dans le choix des lieux de construction, et des plans architecturaux intégrant l’orientation du soleil et du vent.

Ange Atala