Gilles Etoga : Hommages de la grande famille de la conservation

De sa sortie en tant qu’ingénieur de L’Ecole Nationale des Eaux et Forêts (ENEF) en 1991, jusqu’au 17 février 2025, Gilles Etoga était une force sereine qui a su illuminer la vie professionnelle des acteurs de la conservation au Cameroun, dans le Bassin du Congo, et au-delà. Ce  28 mars 2025, dans une cérémonie sobre mais riche en éloges, la grande famille des acteurs de la conservation a tenu à lui rendre un hommage au sein des bureaux de WWF Cameroun, suite à son décès survenu le 17 février 2025.

L’expert en conservation, une bibliothèque vivante, un puit de sagesse en matière de transmission  de connaissances dans le domaine de la protection de la biodiversité, un mentor respecté, une voix écoutée dans tout le bassin du Congo. M Alain Bernard Ononino, en sa qualité de Directeur National du WWF (Fonds Mondial pour la Nature) a salué : «  un exemple de rigueur et de  passion pour la nature, qui a joué un rôle clé dans les stratégies de préservation de la biodiversité, avec une expérience avérée sur la gestion durable des forêts, la surveillance et le biomonitoring, les sauvegardes environnementales et sociales, ainsi que l’adaptation aux changements climatiques ».

Reconnu dans la gestion durable des ressources naturelles et la conservation de la biodiversité dans le Bassin du Congo, Il a consacré plus de 25 ans de sa vie à ces enjeux, notamment en tant que fonctionnaire au Ministère des Forêts et de la Faune, puis comme Coordonnateur Senior de la Conservation et des politiques au WWF Cameroun. Son travail couvrait des domaines variés tels que la gestion participative des ressources naturelles, la protection des aires protégées, le suivi écologique, l’application des lois environnementales et l’adaptation au changement climatique.

M. Nfru Nfru Bruno, Inspecteur Général, représentant du Ministre des Forêts et de la Faune (MINFOF)  a rappelé  sa participation à la collecte des données de base, qui ont conduit à la création de plusieurs parcs nationaux, dont celui de Boumba Bek : « Il a joué un rôle fédérateur pour un partenariat stratégique entre l’administration publique dont il était fonctionnaire, en tant qu’ingénieur des eaux et forêts, et les particuliers ( bailleurs de fonds et sociétés privées) ». Tout au long de sa carrière, il a contribué à des réalisations phénoménales qui ont hissé le Cameroun au rang de pays acteur clé de la conservation dans les paysages du Bassin du Congo, le 2ièm poumon écologique de la planète.

Sous la supervison du staff technique de WWF Cameroun, ses collaborateurs de longue date à l’instar de Dr Nzooh Zacharie, Mme Clotilde Ngomba, certains de ses apprenants,  ainsi que des partenaires privés et institutionnels, des éloges interminables ont été prononcées à l’endroit du disparu. Parmi ses réalisations phares :

  • Appui technique pour la mise en œuvre de la stratégie de surveillance et de biomonitoring pour le parc national de la Bénoué;
  • Le developpement participatif du plan de gestion 2008-2012 du parc national du Faro, validé en janvier 2008;
  • La facilitation de l’’établissement de partenariats avec les professionnels de chasse sportive, pour optimiser leur impact positif à la conservation des parcs nationaux du Faro, Bénoué et Bouba Ndjidda;
  • Mise en œuvre d’un programme de reboisement communautaire, intitulé « un arbre pour la vie »,  initiative qui a permis de planter plus de 100 milles arbres dans 60 localités dans les régions du Nord et de l’Extrême-Nord du Cameroun, connues pour leur climat aride;
  • Contribution à la concertation entre le parc national du Faro et celui de Gashaka Gumti pour l’établissement du complexe des zones protégées transfrontalières, partenariat rendu effectif en 2024 entre le Cameroun et le Nigéria;
  • Appui technique à la mise en œuvre du plan d’aménagement du parc national de Campo Ma’an de 2006-2010;
  • Developpement du plan de conservation des espèces forts dans le parc de Campo Ma’an (éléphants, grands singes, tortues marines), initiation du plan d’habituation des gorilles (désormais habitués à la présence humaine), pour permettre un tourisme de vision, générateur de bénéfices pour la conservation, au profit des communautés locales;
  • Etablissement d’un cadre de gestion des conflits homme/faune, accompagné d’une collecte continue des données, réduction du braconnage par la stratégie de lutte anti-braconnage, tant dans les zones couvertes par le parc que dans les concessions forestières;
  • Facilitateur du partenariat entre les acteurs des secteurs publics et privés pour la mise en œuvre de meilleures pratiques de conservation (optimisation du dialogue entre Hévécam et les conservateurs du parc de Campo Ma’an);
  • Elaboration d’une stratégie établissant un cadre de concertation entre les populations autochtones (pygmées)  Bagyeli, pour une utilisation raisonnable des ressources naturelles dans et autour du parc de Campo Ma’an.

L’un de ses projets majeurs était le TRIDOM (Tri-national Dja-Odzala-Minkebe), un paysage transfrontalier de conservation entre le Cameroun, le Gabon et le Congo-Brazzaville. Ce projet, lancé en 2005, vise à gérer durablement 18 millions d’hectares de forêts et à coordonner les efforts de conservation entre les trois pays. Le TRIDOM comprend 11 aires protégées, dont le parc national de Boumba-Bek, la réserve de faune du Dja et le parc national de Minkebe.

Il a également travaillé sur des initiatives de reforestation et de restauration écologique, ainsi que sur des politiques de gestion des ressources naturelles. Son expertise s’étendait à la mise en place de patrouilles anti-braconnage et à l’amélioration des moyens de subsistance des communautés locales grâce à une conservation plus inclusive. La liste des réalisations est loin d’être exhaustive, d’ailleurs certaines initiatives telles que la facilitation de la concertation entre le parc de Campo Ma’an et la réserve naturelle de Rio Campo en Guinée –Equatoriale, est l’un des processus pour lesquels il travaillait, c’est en cours de finalisation.

Ange ATALA