Hamza Fakil ou la mode faite sahélienne pour le développement durable !

La récente actualité marquée par les élévations de température, a interpellé plus d’un à revoir ses habitudes en rapport avec les comportements susceptibles de contribuer au réchauffement climatique. A l’occasion de la 7èm édition  du Top Model Sahel, tenue le 19 juin dernier, nous sommes allés à la rencontre de Hamza Fakil, créateur de mode et designer,  organisateur de l’évènement.

L’année 2023 nous a permis de constater que, l’industrie de la mode en Afrique a réalisé un chiffre d’affaires annuel de 15,5 milliards de dollars hors du continent. Ce secteur est à la fois un important producteur de matières premières, un exportateur de textiles et un marché importateur. L’UNESCO a publié un rapport dédié à ce secteur, soulignant le potentiel de l’Afrique pour devenir un champion mondial de la mode, à condition que les acteurs du secteur bénéficient d’un soutien adéquat. Audrey Azoulay, Directrice Générale de l’UNESCO a déclaré : « Le potentiel est énorme, évidemment sur le plan économique, mais aussi pour l’insertion des jeunes, pour l’autonomisation des femmes et pour le rayonnement culturel du continent à travers le monde ». L’autre aspect à reconsidérer c’est le marché des vêtements de seconde main communément appelé friperie, bien que l’un des plus dynamiques au monde, il constitue  le 1/3  des importations mondiales. Mais faute d’encadrement,  l’on assiste à des négligences aux conséquences désastreuses, l’on a encore en mémoire la récente alerte aux punaises de lit qui a effrayé les populations des grandes villes du Cameroun. Ce secteur souffre encore de l’absence de filières de recyclage avec 40% de ces vêtements qui finissent dans des décharges, accentuant ainsi la pollution des océans et des rivières.

Hamza Fakil ou « le pape de la mode sahélienne »

L’analyse intitulé  « Le secteur de la mode en Afrique : Tendances, défis et opportunités de croissance », effectué avec la supervision de l’UNESCO, démontre que le continent a toutes les cartes en main pour devenir un prochain champion mondial de la mode. Il est à la fois un important producteur de matières premières (37 pays sur 54 produisent du coton), exportateur de textiles (15,5Mds$ par an) et marché importateur (23,1Mds$ par an).Pour approfondir le sujet, les experts ont démontré que le continent connait également un engouement nouveau et grandissant pour le Made-in-Africa en particulier chez les jeunes. Ceci est d’autant plus vrai que  les moins de 25 ans représentent 50 % de la population totale du continent. En plus du fait que la classe moyenne est en plein essor,  ceci permet d’ouvrir de nouveaux marchés de consommation. De plus l’Afrique connaît une croissance très rapide du secteur numérique qui facilite les commerces intra-africains ainsi que le rayonnement de jeunes talents à une large échelle.

Parmi les talents qui se démarquent figure Hamza Fakil. S’inspirant des 32 Fashion Weeks organisées chaque année à travers le monde, il est à l’initiative de plusieurs projets à l’instar de : Garoua Fashion Week (6 éditions) ou encore Top Model Sahel (7 éditions). Cet originaire de la région du Nord Cameroun, département de la Bénoué, arrondissement de Basheo, possède un don unique dans le domaine de la haute couture, des métiers de l’art et de l’habillement. Compétence qu’il met à profit pour mettre en avant le potentiel socioculturel dont regorge la région, en plus de contribuer au tourisme économique, et à l’innovation dans le choix de matières premières qui contribuent à l’effort d’atténuation dans la lutte contre les changements climatiques. Les matières telles que le coton, le tissage à base de lianes naturelles, les teintures issues de substrats naturels ; constituent la base de ses créations. Mais également les produits forestiers non ligneux (PFNL) comme les graines de Moringa, les feuilles de Baobab et bien d’autres, font la part belle à un design distinctif, propre au sahel. L’industrie de la mode a démontré une augmentation de 42%  pour ce qui est de la demande d’articles de haute couture d’inspiration africaine,  ce qui augure de bonnes prévisions pour les 10 prochaines années.

Fort de ce potentiel riche et diversifié, l’industrie de la mode en Afrique, est néanmoins demeurée au niveau artisanal. Et pourtant, pour ne parler que de l’approvisionnement en matière textile, le Cameroun est doté d’une société productrice de coton : SODECOTON ,  basée à bon escient à Garoua. On estime à 350 mille tonnes de coton graine pour la campagne 2023-2024, produit par la société, qui  malheureusement ne serviront pas les intérêts des populations locales. Une aubaine pourtant, qui aurait pu servir à impliquer le grand nombre à participer à la lutte contre  la consommation des tissus en fibre synthétique polyester. Un dérivé du pétrole, dont la dépendance à l’exploitation des énergies fossiles est décriée. Une attitude qui n’est d’aucune utilité pour le climat des affaires au niveau local, le constat faisant état qu’il revient moins cher d’expédier des marchandises depuis la Chine vers un pays africain, que d’expédier des biens d’un pays africain à un autre.

En matière d’autonomisation financière et d’inclusion sociale, Hamza Fakil a déjà fait sortir de la précarité 04 jeunes filles,  originaires des milieux défavorisés, aujourd’hui devenues des mannequins de mode, reconnues au niveau national et international.  Présente dans 03 boutiques, et auprès de plusieurs détaillants, la marque Hamza Fakil emploie 08 chefs de familles, pour un chiffre d’affaire annuel estimé à  10 millions de francs cfa, pour l’année en cours. L’industrie de la mode demeure l’une des plus polluantes, pour alléger sa responsabilité, l’Afrique gagnerait à recourir aux matériaux locaux, pour un climat d’affaire responsable et prospère. Les créateurs comme Hamza Fakil sont invités à innover autour des textiles durables, et sensibiliser à des modes de consommation respectueux de l’environnement.

Ange ATALA