CARTOGRAPHIE DES ACTEURS DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE AU CAMEROUN

Le 24 novembre 2023, l’Institut français du Cameroun, antenne de Yaoundé, a ouvert ses portes à un atelier unique en son genre. Cet atelier, axé sur la cartographie des acteurs impliqués dans la transition écologique au Cameroun, s’inscrit dans le cadre du Fonds de solidarité prioritaire innovant (FSPI) pour la transition écologique. Ce projet est financé par le ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères et mis en œuvre par la Fondation Conseil Jeune et le Nouveau Sommet Afrique-France (NSAF).

 Plus de 850 millions de personnes dépendent du bois de chauffe et du charbon de bois pour cuisiner en Afrique . Bien que faisant partie d’une méthode ancestrale pour l’accès à l’énergie, cette habitude constitue une réelle menace à la gestion durable des forêts. Selon un rapport de la  FAO , le couvert forestier de l’Afrique subit des pertes de près de 04 millions d’hectares par an, d’où les nombreuses inquiétudes de la communauté internationale. En effet, grâce à leur capacité de séquestration du carbone, les forêts favorisent les efforts d’ atténuation afin de résorber la forte production des gaz à effet de serre. Ces derniers sont responsables des changements climatiques qui ont des effets néfastes sur les populations, surtout les couches les plus vulnérables.

Pour limiter les risques encourus par la perte du couvert forestier et l’avancée du désert, la transition écologique est une réponse. Il s’agit d’un processus de transformation profonde des modes de production traditionnels pour une forme de consommation responsable, durable. Il n’en demeure pas moins que son objectif est de réduire les impacts négatifs du réchauffement climatique sur l’environnement. Au Cameroun, ce processus implique de nombreux acteurs, qui ont des rôles, des responsabilités, et des intérêts différents selon leur genre. Nous en avons pour preuve, les réalisations de la start-up « Energetic Solutions for All  » basé à Maroua, qui a encadré un groupe de femmes dans la fabrication du charbon écologique. Le promoteur, Abed Julius NIMPA NGOUFO mène cette activité depuis plusieurs années, afin d’aider sa communauté à répondre efficacement à la pénurie d’énergie de cuisson. Par ailleurs, a-t-il rapporté, c’est une activité qui génère des revenues à la femme rurale et permet de l’autonomiser sur le plan socioéconomique. Plusieurs autres artisans répartis dans toutes les régions du pays développent des solutions de cuisson dites propres pour répondre au besoin en énergie sans cesse croissant des populations. Selon ces derniers, c’est une action importante qui contribue aux efforts du Gouvernement en matière de transition énergétique.

Le challenge de la transition énergétique au Cameroun

Pour faire face au défi du changement climatique, le Cameroun s’est engagé à opérer une transition énergétique vers des modes de production et de consommation d’énergies dites propres, car moins émettrices de carbone. Ceci s’est traduit par la présentation de la Contribution Prévue Déterminée (CDN) au niveau national lors de la COP 21 en 2015 avec des objectifs précis en termes de réduction des gaz à effet de serre et de l’apport des sources d’énergies renouvelables au mix énergétique national à l’horizon 2035. C’est dans ce cadre que de nombreuses initiatives et solutions sont développées et encouragées, au nombre desquelles : le charbon écologique . Au Cameroun, malgré l’existence d’une diversité de ressources énergétiques,  la consommation d’énergie domestique est constituée à 82,3 % de feu de bois , 30,6 % de charbon de bois et 27 % de gaz sur l’ensemble du territoire national. En zone rurale et dans certaines régions du pays telles que l’Extrême-Nord, le Nord et l’Est, l’on note une plus grande utilisation du feu de bois comme énergie de cuisson, soit 95%. En plus de la déforestation sans cesse croissante, cette utilisation accrue du charbon de bois est l’une des causes responsables de pollution et de diminution de la couche d’ozone. Elle est aussi une menace à la préservation de la biodiversité et de la sécurité alimentaire.

Selon Rosy Esso, formatrice à l’occasion de cet atelier et responsable du réseau, cette initiative est engagée dans une dynamique entreprise depuis plusieurs mois. Les villes de Douala, Maroua, Garoua et Ngaoundéré ont déjà accueilli les étapes précédentes dans la même thématique. Le caractère inclusif et participatif de ce processus est de rigueur. L’objectif de cet atelier était de faire un état des lieux des données existantes sur les acteurs de la transition écologique au Cameroun, de collecter des données complémentaires, et de sensibiliser les acteurs à l’importance de la transition écologique pour le développement durable du pays. Les questions spécifiques liées au genre ne sont pas en reste, elles décrivent une dimension sociale qui structure les rapports de pouvoir entre les hommes et les femmes, et qui influence leurs accès aux ressources, aux opportunités, et aux droits dans une logique d’équité. Pour faire simple, le genre a des implications importantes sur la façon dont les acteurs camerounais perçoivent, vivent, et contribuent à la transition écologique.

la cartographie des acteurs pour mener une action commune

Parmi les vingt participants à cet atelier, huit étaient des femmes, entendues comme les plus vulnérables en ce qui concerne l’accès aux formes de transition écologiques durables. Ils représentaient les différents types d’acteurs impliqués dans la transition écologique : institutions publiques, organisations de la société civile, secteur privé, médias, universités, etc. Ils ont été répartis en quatre groupes thématiques : énergie, biodiversité, déchets, et éducation à l’environnement. Chaque groupe a travaillé sur la base d’une grille d’analyse commune, permettant d’identifier les acteurs clés, leurs domaines d’intervention, leurs sources de financement, leurs partenaires, leurs besoins, leurs contraintes, et leurs opportunités. Les résultats de ces travaux ont été restitués en plénière, puis consolidés dans une base de données qui servira de référence pour la suite du projet.

Comme solution pratique et rentable dans l’atteinte des objectifs de la transition écologique , le charbon écologique est un combustible solide produit à partir de résidus agricoles et ménagers biodégradables, riches en carbone. C’est l’une des solutions innovantes locale, actuellement développée dans plusieurs pays du sud, y compris au Cameroun. En fonction de la zone géographique, et des activités économiques qui s’y développent, il peut être produit à partir de divers déchets organiques (rebus de scierie, déchets agricoles, déchets ménagers, déchets de l’industrie agroalimentaire). Il se présente sous forme de briquettes ou de boule de la taille de morceaux de charbon de bois traditionnel. Cet atelier a donc permis de mettre en lumière les différents acteurs de la transition écologique au Cameroun, et de souligner l’importance de leur rôle dans la construction d’un avenir durable pour le pays. Il a également permis de renforcer les liens entre ces acteurs, et de favoriser la coopération et le partage d’expériences et de connaissances. Enfin, il a contribué à sensibiliser davantage les acteurs camerounais à l’importance de la transition écologique, et à les encourager à s’engager davantage dans ce processus.

Elise EVINA