Thématique abordée le 29 octobre 2024, à l’occasion du sommet international sur la technologie, au palais de congrès de Yaoundé. Un conclave qui a permis à UNFPA Cameroun, d’initier un cadre de dialogue faisant appel à un panel constitué d’un médecin psychiatre, d’une avocate, et d’un jeune acteur des innovations dans le domaine de la santé sexuelle des jeunes filles.
C’était l’occasion pour Mme Noemi Dalmonté, Représentante Résidente de l’UNFPA au Cameroun (Fonds des Nations Unies pour la Population) de préciser que l’agence onusienne, mène plusieurs campagnes en ligne pour lutter contre les violences basées sur le genre (VBG). La discussion était menée en partenariat avec AfriYan Cameroon (African Youth and Adolescents Network on Population and Development) , un réseau de jeunes qui travaillent sur les questions de population et de développement, dans l’optique de promouvoir la participation des jeunes au développement de l’Afrique en renforçant leur capacité de leadership et de plaidoyer.
Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) ont révolutionné la nature des relations humaines. Tantôt en réduisant les distances, à travers des relations professionnelles, mais aussi amicales et même au mariage. Mais c’est également un instrument de torture émotionnelle, puisque le cyberharcèlement et la cyberintimidation sont devenus monnaie courante. Il nous revient en mémoire, le cas d’Odile Mirabelle Christelle Lingom. La jeune fille âgée de 25 ans, a été accusée de figurer dans une vidéo compromettante à caractère sexuelle (sextape). De fausses allégations qui pourtant, ont conduit à un cyberharcèlement sur sa personne, et plus tard au viol, et au décès le 6 septembre 2021 de cette dernière. Un cas révélé au public parmi tant d’autres, qui continuent de faire des victimes, et des dégâts collatéraux pour l’entourage des contrevenants.
Le Tribunal de première instance de Ndokoti, à Douala, continue d’examiner l’affaire ayant conduit au décès de Mirabelle Lingom.
Diverses formes de violences sont facilitées par la technologie, qui leur donne une propension exponentielle, ceci avec des conséquences graves sur la santé mentale, physique et émotionnelle des victimes. Pour mesurer les conséquences de tels comportements, le Dr. Menguene Justine Laure, médecin psychiatre à l’hôpital Jamot de Yaoundé, qui occupe également le poste de sous-directeur de la santé mentale, au Ministère de la Santé Publique (MINSANTE), a donné des éléments à prendre en considération. Elle explique : « lorsqu’on parle de VBG en ligne, c’est un problème de mal-être, et donc de santé mentale. Le second niveau d’impact, c’est un stress chronique qui gagne en intensité, car les images dégradantes sont figées dans le cerveau de la victime ». Par conséquent, l’estime de soi prend un coup, des répercussions se verront sur la limitation de la productivité au travail, l’anxiété, la consommation des substances psychotropes. C’est tout l’organisme qui se met en branle pour manifester cet état de mal être.
Dr. Justine Laure Menguene
Un problème de santé mentale donc, qui présente un intérêt public sur lequel il est important de se pencher. Dit ainsi, cela semble moins anodin de se prêter au jeu de « faire bouffer la tontine », ainsi qu’il est de coutume de nommer l’action de harceler un individu dans les réseaux sociaux au Cameroun. Ce d’autant plus vrai, que des dispositions légales existent, pour punir les auteurs de pareils actes. La loi camerounaise sur le cyberharcèlement est principalement couverte par la Loi N° 2010-012 du 21 décembre 2010 relative à la cybersécurité et à la cybercriminalité. Voici quelques dispositions clés : – Article 74 : prévoit des peines pour les personnes qui commettent des actes de cyberharcèlement, y compris des amendes et des peines de prison. – Article 75 : traite des infractions liées à la diffusion de contenu nuisible, tel que des messages ou des images destinés à harceler ou à intimider une personne. -Article 77 : punit les publications en ligne visant à susciter de la haine ou du mépris entre les citoyens. Des dispositions méconnues du grand public, qui visent à protéger les individus contre les abus en ligne et à assurer la sécurité sur Internet.
Me. Bertille Wouami
Me. Bertille Wouami Mbatang , présidente de l’Association pour la Défense des Droits de l’Homme (APDDH) – Assistance au Cameroun. Elle est active dans la promotion et la défense des droits de l’homme, en particulier pour les personnes vulnérables. Elle a également été impliquée dans des cas de violence conjugale, en aidant les victimes à déposer des plaintes et à obtenir de l’aide. Elle nous révèle : « en ce 10 ièm mois de l’année 2024, nous sommes rendus à 58 cas de féminicides répertoriés, et puisque nul n’est censé ignorer la Loi, s’il fallait ouvrir une enquête judiciaire, 80% de camerounais (tous sexes confondus) seraient des prisonniers. Sur la base de ce qu’ont écrit, transfère, ou diffuse en ligne. » Les plateformes en ligne peuvent être utilisées pour harceler, menacer ou intimider des personnes en fonction de leur genre, particulièrement les jeunes filles et des femmes; très souvent victimes de chantage, ce qui les rend vulnérables, du fait de l’ignorance de leurs droits, et de leurs devoirs. Elle ajoute : « il y’a une dérive cybernétique portée sur l’usage du corps de la femme, en transférant les publications offensantes, on se rend auteur et co-auteur d’actes de cyber harcèlement ». Toute personne qui publie, importe, ou transfère, avec ou sans consentement, des fichiers à caractère dégradant, qui portent atteinte aux mœurs, se rend coupable de délinquance sexuelle.
Même les cas de justice populaire, où les contrevenants se retrouvent dénudés par la foule en furie, sont des atteintes à la pudeur, et devraient être dénoncés auprès de l’ANTIC (Agence Nationale des Technologies, de l’Information et de la Communication). On comprend donc que c’est toujours la technologie qui vient en aide, aux victimes des VBG en ligne, par la mise à disposition des numéros verts : 8206 et 8002, pour dénoncer les violences en ligne. Le sommet sur la technologie organisé au Cameroun a introduit plusieurs innovations pour lutter contre les violences basées sur le genre (VBG). L’une des initiatives phares est la plateforme AlertGBV, développée par l’association Women in Entrepreneurship and Technology (WETECH).
M. Bolivar Fobasso
AlertGBV est une plateforme en ligne qui permet aux survivantes de VBG de parler anonymement et de recevoir de l’aide en toute sécurité. Elle offre des ressources, des informations et des contacts d’associations, de psychologues et de juristes. La plateforme inclue un chatbot qui permet aux survivantes de s’exprimer de manière confidentielle et de trouver de l’aide rapidement. Il est également prévu que, AlertGBV propose des sessions de formation et de sensibilisation sur les VBG en milieu professionnel, visant à éduquer et à prévenir. Bolivar Fobassso, le secrétaire exécutif de Afriyan Cameroon a mis en relief une autre innovation : « la génération Z (née dans les années 2000), très présente sur les réseaux sociaux, est très exposée aux VBG en ligne, Afriyan Cameroon a développé une plateforme de dénonciation des cas de harcèlement en ligne, en plus de ça, nous formons les leaders d’association dans l’accompagnement psychologique, et juridique des victimes. » Il est important de noter que les cas de VBG ne concernent pas seulement la gente féminine, un appel à la masculinité positive des acteurs du sexe masculin, pour stopper les cas de propagation de contenus discutés.
Ange Atala