C’est à la faveur d’un atelier tenu le 26 Août 2023 dans les locaux de l’ONG Jeunes Volontaires pour l’Environnement Cameroun (JVE-CMR) que la matrice servant de recueil des propositions énoncées dans le traitépour la conception d’un 4ième draft. La rencontre a servi de cadre de concertation pour la formulation des recommandations concrètes afin de soumettre à l’appréciation des responsables du mouvement YouFT, chargés de les retranscrire.
Young Friends of the Treaty (YouFT) est un mouvement lancé le 18 Juin 2017 à Maputo au Mozambique en marge du 3ième colloque portant sur les sociétés transnationales et les droits de l’homme. Le mouvement réunit plusieurs jeunes de différents corps de métiers à travers le monde, qui partagent la cause commune de voir les droits de l’homme être respectés par les sociétés multinationales qui semblent intouchables face aux plaintes des communautés dont ils exploitent le territoire. En effet, les injustices perpétrées par ces grandes firmes sont légions : des contrats de travail inéquitables, expropriation des terres aux ayants droits, surexploitation des ressources naturelles, prolifération de la pollution avec pour conséquence l’exposition aux maladies, l’acculturation des communautés suite aux ordres de délocalisations abusives…les cas d’injustices sans moyens de recours juridiques se décomptent de manière exponentielle. Comme son nom l’indique, une société transnationale opère à travers plusieurs nations, et par conséquent n’est soumis à aucune forme de contrainte légale de manière conventionnelle. Formuler un cadre légale pour règlementer et sanctionner au besoin les impunités de pareilles organisations à travers le monde est une urgence pour que règne la justice et l’équité. Les violations perdurent à cause du faible pouvoir des Etats dont les budgets dérisoires en matière de répression ne peuvent rivaliser avec les moyens astronomiques des multinationales pour contourner une Loi quasi inexistante.
Le Cameroun occupe une position stratégique dans la scène publique internationale pour ce qui est de la dénonciation des pratiques ci-dessus mentionnées, à travers la ratification de plusieurs conventions sur le respect des droits de l’homme. Le gouvernement camerounais adhère à la Résolution 26/9 du 14 juillet 2014 sur l’élaboration d’un instrument international juridiquement contraignant sur les sociétés transnationales et autres entreprises et les droits de l’homme. C’est ainsi qu’il ressort du décret N°2022/3074/PM/ du 04/07/2022, fixant les modalités d’exécution de la conformité sociale des projets. En son article 2 alinéa (1), nous lisons : « la conformité sociale des projets a pour objectif de protéger les populations en général, et les personnes socialement vulnérables en particulier, contre les conséquences humaines et sociales néfastes générées directement ou indirectement par, les projets privés et publics ». Malgré cette volonté manifeste, les contrevenants bénéficient d’un certain flou règlementaire. Les sociétés transnationales ne souffrent pas du régime d’imposition des législations des pays dans lesquels ils exercent, car les cahiers de charge à eux imposés ne reposent sur aucun texte juridiquement contraignant. De fait, la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) ici interpellée s’exécute de manière facultative, selon le bon vouloir des dirigeants des sociétés transnationales. C’est donc un Droit mou qui se pratique, et laisse des marques de l’impunité qui s’étend sur des générations.
La volonté d’impliquer les jeunes dans ce processus des négociations démontre la ferme volonté du Conseil des Droits de l’Homme de créer un cadre ouvert au dialogue intergénérationnel, pour l’instauration d’une justice environnementale et sociale inclusive. Le Coordonnateur des activités du mouvement YouFT au Cameroun en la personne de M. Moïse Mbimbe Nlom ; juriste et environnementaliste certifié, et ses collaborateurs ont été les instructeurs de plusieurs allocutions, au cours desquelles la participation des tous était significative. Bien que les négociations piétinent du fait d’un large éventail de contextes socio-culturels à considérer, les besoins des uns et des autres sont manifestes. Le Cameroun est un acteur majeur des négociations grâce à sa position géostratégique dans le bassin du Congo, en plus de bénéficier d’une certaine stabilité politique que lui reconnaissent jusqu’ici ses partenaires extérieurs. A l’issue du présent atelier, une dizaine de jeunes académiciens et professionnels de divers domaines de compétences, ont été préalablement informés sur la nature du traité, pour ensuite se livrer à l’exercice consistant à remplir la matrice des recommandations dont la pertinence de chaque proposition sera jugée. Les leaders de plusieurs associations de jeunes, en provenance de diverses régions du pays, ont émis leurs volontés de voir les violations des droits de l’homme opérés par les sociétés transnationales prendre fin.
C’est à travers plusieurs mécanismes que cette forme de justice sociale prendra corps, et figurera dans le 4ièm draft du traité qui sera soumis lors de la prochaine rencontre en Octobre prochain, à Bruxelles. Parmi les propositions pertinentes qui ont recueillies un avis favorable de toute l’assemblée réunie, nous citerons entre autres comme moyens de recours juridictionnel : le tribunal itinérant, ou encore la création des cellules d’écoute active neutre au sein des sociétés transnationales. Parvenir à un traité contraignant ne relève pas de l’utopie pour ceux qui sont engagés dans son processus d’élaboration depuis le début des négociations. En cela, le Brésil est un bon élève qui sert de modèle au Cameroun quand on considère sa politique interne dans le traitement des cas d’abus. Le cas le plus récent date de Juillet 2023, il s’agit de la coalition de représentants des peuples autochtones et d’ONG internationales (COIAB ) qui a assignée le géant français Casino. Bien que dans l’hypothèse d’une cessation de ses actifs sud-américains, le groupe devra toujours faire face à la justice française pour manquement à son devoir de vigilance en matière de déforestation et de violation des droits des peuples autochtones. « Nous ne pouvons accepter que des groupes puissent contourner les systèmes administratifs et juridiques nationaux pour éviter d’avoir à répondre des violations commises dans leurs chaînes d’approvisionnement. Au Brésil en particulier, nous avons historiquement assisté à de telles stratégies et dans de nombreux cas, l’impunité perdure et permet aux pratiques criminelles contre les peuples et leurs territoires de se poursuivre. Il est essentiel que le groupe Casino soit tenu responsable des dommages causés jusqu’à présent et qu’il n’y ait aucune tolérance judiciaire. », affirme Kari Guajajara – juriste de la COIAB.
Auteure: Ange Atala