Yaoundé a accueilli plusieurs Ministres, responsables des services déconcentrés de l’Etat, membres du corps diplomatique dont le représentant du Consul Honoraire de Norvège au Cameroun, pour valider le protocole d’une convention dont le Cameroun est signataire depuis le 10 septembre 2018. Sous la supervision du Ministre des Enseignements Secondaires, ce 30 décembre 2024, les lignes directrices de la riposte en cas d’attaque des établissements scolaires, pour la protection du personnel enseignant et des apprenants, dans le contexte camerounais, ont fait l’objet des discussions au cours d‘un atelier de validation.
Le 24 octobre 2020, une attaque tragique a eu lieu à Kumba, dans la région du Sud-Ouest du Cameroun, des hommes armés ont pris d’assaut une école, tuant au moins huit enfants. Les victimes, âgés de 12 à 14 ans, ont été pris au piège dans leurs salles de classe lorsque les assaillants ont ouvert le feu. Certains enfants ont été blessés en sautant du deuxième étage pour échapper à l’attaque. Les autorités locales ont attribué cette attaque aux séparatistes anglophones, bien que cela n’ait pas été confirmé de manière indépendante.
Image de la tuerie en milieu scolaire survenue le 24 octobre 2020 à la Mother Francisca International Bilingual Academy, à Kumba/©BBC Afrique
Ces événements tragiques soulignent les dangers auxquels les enfants sont confrontés dans les zones de conflit et l’impact dévastateur de la violence sur l’éducation et la sécurité des jeunes. 346 513 enfants ont été déscolarisés en 2019, 119 établissements scolaires dévastés par des attaques armées. Dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, respectivement 68% et 39% des structures académiques sont non opérationnels. Des responsables d’établissement aux élèves et écoliers, enrôlés dans les mouvements de ce conflit meurtrier, sans compter les infrastructures d’accueil scolaire, la guerre qui oppose les militaires et les séparatistes ambazoniens ont fait plusieurs victimes et des dégâts matériels considérables.
Au milieu de ce chaos, une voix s’élève : « ma vision du monde est celle où les jeunes, particulièrement les filles, ne sont pas juste spectatrices, mais surtout actrices du changement », ainsi s’est exprimée Jania, une adolescente originaire de la région du Nord-Ouest, en proie au conflit cité précédemment. Elle ajoute : « après avoir été le témoin de l’impact négatif de la crise anglophone, sur les jeunes filles qui ont passé des années entières sans être scolarisées, j’ai su qu’il fallait que je fasse quelque chose ». Armée d’un courage sans faille, l’adolescente de 14 ans qu’elle était au moment des faits en 2016, a entrepris de dispenser des cours élémentaires, aux enfants déplacés internes, privés d’instruction durant de longs mois.
Jania
Elle a mis à disposition des fonds propres, pour fournir du matériel didactique, et des fournitures scolaires, bien qu’elle-même soit dans la même situation précaire. La jeune fille est désormais une activiste pour l’égalité des genres, l’implication des jeunes dans les mouvements pour la lutte contre les changements climatiques. Poursuivant sa carrière d’infirmière diplômée d’Etat à l’Université de Bamenda, Jania est le symbole de la résilience scolaire en situation de conflit, dont l’histoire démontre de la pertinence de l’action menée par Plan International Cameroon, pour sa contribution à la mise en œuvre effective de la déclaration sur la sécurité dans les écoles ( en anglais « Safe School Declaration » ou SSD) de.
Statistiques présentant les attaques enregistrées au cours de l’année scolaire 2023-2024.
Une success story, que 48 élèves n’ont pas eu la chance d’expérimenter au courant de l’année scolaire 2023-2024, attaqués et kidnappés au sein de leurs établissements scolaires, 6 d’entre eux ont perdu la vie. Pour ce qui est de l’année scolaire en cours, l’on enregistre déjà 1 décès parmi les élèves, et 10 parmi le personnel enseignant, ce qui fait un total de 176 enseignants perdus, depuis 2018, année de la signature de la déclaration sur la sécurité à l’école. Celle-ci stipule pourtant : « l’éducation vise à protéger les enfants et les jeunes contre la mort, les dommages corporels et l’exploitation ; elle peut atténuer l’impact psychologique des conflits armés en offrant une routine et une stabilité, donner accès à d’autres services essentiels. Une éducation qui tient compte des conflits n’alimente pas le conflit, et contribue à la paix ».
Pr. Nalova Lyonga Pauline Egbe, Ministre des Enseignements Secondaires (MINESEC) a suivi de bout en bout, les différentes articulations de la feuille de route présentée au public ce jour : « pour assurer l’implémentation de cette feuille de route, il est essentiel d’intégrer ses activités dans le plan de travail de l’administration camerounaise ». L’ambition de soutenir cette démarche pour l’Etat camerounais, c’est d’assurer la sécurité, la santé, la protection de l’environnement socio-éducatif, pour les apprenants, le corps enseignant et tout le personnel en charge de l’éducation, pour l’atteinte des objectifs pour le développement durable. A cela s’ajoute la volonté de créer des partenariats techniques et financiers, qui puissent apporter l’expertise étrangère sur le sujet, mais aussi et surtout, mobiliser des fonds, pour la reconstruction des écoles endommagées.
Grands axes d’intervention de la « Safe School Declaration » au Cameroun (SSD)
Pour concrétiser au mieux cette volonté du gouvernement, une plateforme digitale de dénonciation des exactions commises au sein des établissements scolaires, qui couvre principalement les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, a été créée. Nous en avons confirmation suite au témoignage de M. Anoncho Valentine Fru, Coordinateur de l’Association Green Partners (GPA) : « la plateforme existe depuis 2022, et a permis d’anticiper sur plusieurs attaques dans les écoles, et une meilleure prise en charge des conséquences de celles-ci ». Le public peut consulter ci-après : https://ee-eu.kobotoolbox.org/x/41nXKKOp
Mme le MINESEC, en présence de plusieurs membres du comité technique mis en place pour le suivi de la SSD.
Au sortir de cette rencontre, des recommandations des différentes parties prenantes, dont celle de Clovis Ayuk, responsable des questions de genre à Plan International Cameroon : « transformer l’école en zone de combat accentue les inégalités de genre, en ce sens que les jeunes filles en âge scolaire, incapables de suivre les cours, se retrouvent très vite exposées aux dangers des mariages précoces, et des grossesses indésirées. Ce qui a pour conséquence le décrochage scolaire, qui les rend vulnérables sur le marché de l’emploi déjà compétitif, et accorder plus d’avantages aux jeunes garçons, qui peuvent poursuivre leur cursus scolaire ». Sans oublier de mentionner la nécessité de faire intervenir les conseillers d’orientation scolaire, pour créer des cellule de suivi psychologique des victimes, et de leurs familles respectives, pour un meilleur processus de guérison des séquelles psychologiques, qui ont pour conséquence, la baisse des résultats scolaires. Séance tenante, la nomenclature d’un comité technique composé des différents Ministères (22 sectoriels), des partenaires techniques financiers, des organisations de la société civile, a été mise en place pour veiller au suivi de ces recommandations.
Ange Atala