Le consortium Leadership, Éthique, Gouvernance et Stratégies pour l’Afrique a présenté samedi 27 septembre à Saint-Louis les résultats d’une étude de faisabilité portant sur la création d’un Fonds bleu destiné à renforcer la résilience des communautés côtières face aux impacts de l’exploitation pétrolière et gazière offshore.
Saint-Louis – Un atelier de restitution communautaire consacré à l’étude de faisabilité du Fonds bleu pour la résilience des communautés côtières s’est tenu samedi à Saint-Louis, dans le nord du Sénégal, à l’initiative du consortium Leadership, Éthique, Gouvernance et Stratégies pour l’Afrique. Cette rencontre visait à présenter aux parties prenantes locales les conclusions d’une réflexion stratégique sur les mécanismes de compensation et de renforcement de la résilience des populations côtières dans le contexte du développement de l’industrie pétrolière et gazière offshore.
Dr Mbaye Dieng, membre fondateur de LEGS-Africa et l’un des auteurs de l’étude, a rappelé le contexte dans lequel s’inscrit cette initiative. « L’exploitation du pétrole et du gaz fait l’objet d’études d’impact environnemental qui identifient nécessairement des mesures d’atténuation et de correction des désagréments potentiels. En analysant cette question sous divers angles, nous nous sommes demandé quelle proposition serait la plus appropriée pour garantir que l’exploitation des hydrocarbures se réalise tout en assurant la résilience des communautés », a-t-il expliqué.
La proposition centrale de l’étude porte sur la création d’un Fonds bleu, mécanisme financier inspiré d’expériences internationales similaires. « Nous avons réfléchi à la possibilité de créer un fonds bleu. Cette réflexion s’inspire de l’existant, car nos recherches ont révélé que plusieurs pays ont mis en place des mécanismes de compensation et de renforcement de la résilience des communautés affectées par l’exploitation des ressources naturelles », a précisé Dr Dieng.
Le chercheur a salué l’existence au sein de l’appareil étatif sénégalais de structures réfléchissant déjà à cette possibilité de création d’un Fonds bleu, témoignant d’une convergence entre les préoccupations de la société civile et les réflexions gouvernementales. Cette concordance constitue un terreau favorable à la concrétisation de cette initiative.
L’un des aspects novateurs de la proposition réside dans son modèle de financement. Dr Mbaye Dieng a souligné la possibilité de financer ce fonds sans recourir à l’endettement public, une considération cruciale dans un contexte où la soutenabilité de la dette constitue une préoccupation majeure pour les économies africaines. Bien que les détails du mécanisme de financement n’aient pas été explicités lors de cette restitution, cette affirmation suggère l’exploration de sources innovantes telles qu’un prélèvement sur les revenus pétroliers et gaziers, des contributions des compagnies extractives ou des financements climatiques internationaux.
L’étude estime que la mise en œuvre effective de ce fonds pourrait bénéficier jusqu’à un million de personnes, un chiffre qui témoigne de l’ampleur potentielle de l’impact social de ce dispositif. Cette estimation prend vraisemblablement en compte l’ensemble des communautés côtières du Sénégal susceptibles d’être affectées directement ou indirectement par les activités d’exploitation offshore, notamment les pêcheurs artisanaux, les transformateurs de produits halieutiques, les populations insulaires et les acteurs de l’économie côtière.
Omar Dièye, coordonnateur du Conseil Local de Pêche Artisanale de Saint-Louis, et Moustapha Dieng, Secrétaire Général du Syndicat National Autonome des Pêcheurs du Sénégal, ont salué cette initiative de restitution communautaire. Leur participation témoigne de l’importance accordée par les organisations représentatives des pêcheurs à cette problématique de la résilience face aux transformations induites par l’exploitation des hydrocarbures offshore.
La pêche artisanale occupe une place centrale dans l’économie et le tissu social des communautés côtières sénégalaises. Elle constitue la principale source de revenus et d’emplois pour des centaines de milliers de personnes et contribue significativement à la sécurité alimentaire nationale. Le développement de l’industrie pétrolière et gazière offshore, bien qu’il représente une opportunité économique majeure pour le Sénégal, soulève des inquiétudes légitimes quant à ses impacts potentiels sur les zones de pêche, les écosystèmes marins et les moyens de subsistance des communautés côtières.
Ces préoccupations incluent les risques de pollution marine, la perturbation des zones de reproduction des espèces halieutiques, les restrictions d’accès à certaines zones de pêche pour des raisons de sécurité, les impacts sur la biodiversité marine et les modifications des dynamiques océanographiques. Un Fonds bleu bien conçu pourrait financer des programmes de diversification économique, de reconversion professionnelle, d’amélioration des infrastructures de pêche et de transformation, de renforcement des capacités, ainsi que des mécanismes d’indemnisation pour les pertes de revenus directement imputables aux activités extractives.
L’approche participative adoptée par LEGS-Africa, à travers cette restitution communautaire, mérite d’être soulignée. Elle contraste avec des pratiques fréquentes où les études techniques demeurent confinées aux cercles d’experts et de décideurs, sans appropriation par les populations concernées. En impliquant directement les représentants des communautés dans la discussion des résultats de l’étude, le consortium favorise une compréhension mutuelle des enjeux et jette les bases d’une gouvernance inclusive du futur mécanisme.
La concrétisation de ce Fonds bleu nécessitera toutefois de franchir plusieurs étapes décisives : adoption d’un cadre législatif et réglementaire, définition précise des critères d’éligibilité et des modalités d’allocation des ressources, mise en place d’une gouvernance transparente et redevable, mobilisation effective des ressources financières, et établissement de mécanismes robustes de suivi-évaluation. L’expérience internationale montre que le succès de tels fonds dépend largement de la qualité de leur gouvernance et de leur capacité à éviter la capture par des intérêts particuliers. Cette initiative s’inscrit dans une dynamique régionale et internationale de promotion de l’économie bleue durable, concept qui vise à concilier développement économique des ressources océaniques et préservation des écosystèmes marins. Le Sénégal, avec ses 700 kilomètres de côtes et ses importantes ressources halieutiques, a tout intérêt à se positionner en pionnier dans la mise en place de mécanismes innovants garantissant que l’exploitation de ses ressources offshore bénéficie effectivement aux populations côtières et contribue à leur résilience face aux multiples défis auxquels elles sont confrontées, incluant le changement climatique, la surpêche et la dégradation des écosystèmes côtiers.
Puissance KOLOKO
