Pour sa traditionnelle conférence annuelle, les personnels du Ministère du Travail et de la Sécurité Sociale (MINTSS) ont massivement honoré de leur présence à la rencontre tenue les 6 et 7 janvier 2025, à l’auditorium principal de l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature (ENAM). Sous le thème : « Ethique professionnelle et déontologie administrative : piliers essentiels pour la performance dans le sous-secteur travail et sécurité social ».
« Je suis venu chercher l’argent, parce qu’il y’a la galère, et j’ai les charges à la maison », Yakoundou, une trentenaire, enceinte de 8 mois, est mère de 3 enfants, l’originaire de la partie septentrionale du Cameroun, est une travailleuse dans les mines d’or de l’Est Cameroun, à Kambélé. Malgré sa condition, et la réticence de son compagnon à la voir travailler dans ces conditions, elle manipule le Mercure pour chercher de l’or, courant le risque de faire subir des malformations congénitales à son enfant à naître. Très tôt, les enfants sont exposés au monde du travail, par le biais de leur entourage, très souvent à la recherche des moyens additionnels de sources de revenus pour soutenir les dépenses au sein des ménages.
Anaïs quant à elle, âgée de 14 ans, est également présente sur le site d’exploitation minier : « j’ai 14 ans, je fais le CM2, je travaille ici de 7h à 18h pour payer l’argent de mon dossier (en vue de présenter l’examen de fin de cycle primaire : CEP). Dans ce site, même les enfants de 6 ans côtoient les abris de fortune, des excavations béantes, et courent les risques d’être témoins des éboulements de terrain, pour un pécule de 20 grammes d’or leur permettant d’entrevoir une récompense à hauteur de 20mille francs CFA, ce qui n’est pourtant pas une garantie au quotidien.

Image illustrative extraite de: https://www.estrepublicain.fr/societe/2021/06/10/le-travail-des-enfants-augmente-une-premiere-en-20-ans
Ces témoignages recueillis auprès d’un confrère, ayant réalisé une enquête radiophonique pour le compte de la plateforme de radiodiffusion en ligne, Sciences Solutions, interpellent à plus d’un titre l’éthique et la déontologie, dans le système qui régit le travail au Cameroun. Loin d’être des cas isolés, le travail des femmes et des enfants, considéré dans la catégorie des personnes vulnérables, est pourtant soumis à une règlementation stricte. Selon une enquête nationale réalisée en 2007, 2 millions d’enfants, âgés de 5 à 17 ans exercent des métiers néfastes, principalement en zones rurales, dans des activités pourtant mis en avant pour le développement durable, à l’instar de l’agriculture. Une mise à jour de ce document est en cours d’élaboration, au sein de la DINCIT ( Division des Normes et de la Coopération Internationale du Travail) et paraîtra au courant de l’année 2025.
Le Projet d’Action Nationale pour l’Élimination des Pires Formes de Travail des Enfants au Cameroun (PANETEC) est un effort important pour lutter contre le travail des enfants. Mis en œuvre au sein de la DINCIT par les cadres du MINTSS, ce projet a permis de mettre en place le Système d’Observation et de Suivi du Travail des Enfants au Cameroun (SOSTECAM) ; est une initiative récente, mise en place par le gouvernement camerounais pour lutter contre le travail des enfants. Sur une période allant jusqu’à l’horizon 2030, ce projet vise à observer et suivre les cas de travail des enfants à travers le pays, afin de mieux comprendre l’ampleur du problème et d’élaborer des stratégies efficaces pour l’élimination de ce fléau, tel que l’instauration d’un numéro vert pour dénoncer les délits.

Mme Galega Njiwan, Conseiller Technique N° 2 au MINTSS: « le Ministre a insisté sur le dialogue social, comme cadre de concertation avec les collectivités locales, afin de récolter les besoins des travailleurs de différents secteurs d’activité, d’anticiper sur les situations de conflit au sein des milieux professionnels, et garantir une meilleure productivité ».
A ce propos, revenant sur les réalisations phares de l’année écoulée, Le Ministre Grégoire Owona a félicité l’ensemble du personnel pour avoir participé à la réussite de la visite de Gilbert Foussoun Houngbo, Directeur Général du Bureau International du Travail (BIT). Une manière significative de redorer l’image du Cameroun à l’international, concernant la répression de l’indécence dans les formes de travail. L’occasion également d’envisager les perspectives du nouveau document « Programme Pays pour le Travail Décent » (PPTD) pour la période 2023-2026. Les priorités étant la promotion des emplois qui allient productivité et durabilité, sans exclure les couches vulnérables que sont les jeunes, les femmes, les enfants, les réfugiés, les déplacés internes. Une révision qui mettra en lumière le secteur informel, qui joue un rôle crucial dans l’économie du Cameroun. Selon les données de l’Institut National de la Statistique (INS), le secteur informel contribue entre 20% et 30% au Produit Intérieur Brut (PIB) du pays. Cela place le Cameroun à un niveau comparable à celui des pays dont le modèle de croissance est reconnu à l’international, à l’instar de l’Afrique du Sud.
Constitué de 90% de la population active, le secteur informel au Cameroun est majoritairement composé de petites entreprises et d’individus exerçant des activités dans divers domaines tels que le commerce, les services et l’industrie. Selon les informations recueillies auprès de la DINCIT, l’absence de régulation de ce secteur a conduit le Cameroun à l’exclusion de l’AGOA. En effet, le Cameroun a été retiré de la liste des pays bénéficiaires de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA) fin 2019. Une décision prise par l’administration américaine sous le premier mandat du Président Donald Trump, en raison de violations flagrantes et persistantes des droits de l’homme par les forces de sécurité camerounaises, mais aussi et surtout, à cause de l’absence de réglementation claire consignée dans un code du travail, lors des cas de violations observées par les travailleurs. Pourtant ce partenariat offre des perspectives d’obtention de financement pour développer les aspects liés à la sécurité sociale des travailleurs, et bien d’autres initiatives.

Dans cette lancée, la Food and Agriculture Organization (FAO) mène plusieurs initiatives au Cameroun pour réguler et améliorer le secteur de la cacaoculture. Dans le cadre de l’Initiative de Cacao Durable (SCI) : la FAO, en partenariat avec la Commission Européenne, travaille à promouvoir une chaîne de valeur de cacao durable, équitable et productive. En 2024, le prix du cacao a atteint un niveau historique, oscillant entre 4 200 et 4 500 FCFA/kg. Cette hausse spectaculaire contraste fortement avec les années précédentes, où les prix étaient souvent plus bas. Cette démarche vise à garantir un revenu décent pour les producteurs de cacao tout en abordant des problématiques telles que la déforestation et le travail des enfants. Ajouté à cela, le renforcement des capacités des producteurs de cacao pour qu’ils puissent se conformer aux nouvelles normes de durabilité. Ce qui inclut le développement d’outils techniques innovants pour distinguer entre les forêts intactes et les systèmes agroforestiers complexes.
Au sortir des travaux de la conférence nationale annuelle du MINTSS pour l’année 2025, qui a connu la participation active de la CNPS (Caisse Nationale de Prévoyance Sociale) et d’autres partenaires socio-institutionnels comme les syndicats de travailleurs, il est ressorti un ensemble de recommandations pertinentes. Nous citerons entre autres :- la poursuite de la révision de la liste des travaux dangereux, la simplification des procédures d’obtention des médailles d’honneur du travail, l’implication active des inspecteurs du travail, pour une meilleure tenue de la médecine du travail, un volet technologique étant porté sur la maintenance du site de l’observatoire du travail et de la sécurité sociale, et bien d’autres suggestions pour un meilleur fonctionnement interne du MINTSS.
Ange ATALA