Fête du travail 2025 : rôle de l’IA dans la prévention des risques professionnels et sécurité au travail

La cérémonie marquant les célébrations de la 29 è Journée Africaine de Prévention des Risques Professionnels (JAPRP), couplée à la 23 è Journée Mondiale de la Sécurité et Santé au Travail (JMSST) , s’est tenue le 29 Avril 2025, à la salle de conférences du nouvel immeuble de la CNPS à Yaoundé.

« Révolutionner la santé et la sécurité : le rôle de l’IA et de la numérisation au travail » et « La prévention des risques professionnels à l’épreuve de la transformation numérique et des mutations technologiques : opportunités, défis et stratégies d’adaptation ». Sont les thèmes autour desquels : cadres d’administration, Directeurs Généraux, personnels du secteur privé, organisations internationales, experts , syndicats des travailleurs et académiciens, ont donné du ton au débat.

Le Ministère du Travail et de la  Sécurité Sociale (MINTSS)  effectue des descentes inopinées sur le terrain pour le contrôle effectif de la mise en application de certaines mesures pour encadrer et veiller au travail décent des employés camerounais. Mais le constat alarmant qui est fait est le suivant : « en entreprise on trouve les EPI (Equipements de Protection Individuelle), mais les employés refusent de les abhorrer,  les agents de ménage nettoient le sol  et manipulent des produits chimiques sans porter des gants de protection, avançant l’argument selon lequel « ça chauffe les mains », nous confie Mme Mvodo Eugenie, Inspecteur Générale du Travail.

La Santé et la Sécurité au Travail (SST) une panacée pour l’inclusion sociale

Les travailleurs camerounais sont exposés à divers risques professionnels qui varient selon les secteurs d’activité. Dans la catégorie des risques physiques, citons des chutes, des blessures liées à la manutention, des électrocutions. Mais également des expositions aux températures extrêmes, la manutention de charges lourdes, des risques de troubles musculo-squelettiques. Pour ce qui est des risques chimiques et biologiques, on observe une forte exposition aux produits toxiques, tant dans l’industrie manufacturière, que dans l’agriculture et les laboratoires. Sans oublier de mentionner les maladies professionnelles, causées par des infections liées à un environnement de travail insalubre ; ou encore la pollution de l’air et des eaux, qui affecte les travailleurs des zones industrielles.

L’ère du numérique a vu apparaitre de nouveaux risques professionnels dans l’ordre duquel nous pouvons citer : les risques psychosociaux dont le stress lié à la surcharge de travail. De plus, les conditions de travail difficiles, et la pression économique, font naitre des problèmes liés aux relations dans l’environnement professionnel. En outre l’instabilité de certains emplois accentue la précarité dans certains secteurs informels. Les risques liés aux nouvelles technologies font survenir de nouveaux risques professionnels telle la fatigue visuelle et les troubles posturaux. Les cyber-menaces sont de plus en plus monnaie courante, à cause du chantage lié à l’accès aux données personnelles des individus.Une préoccupation demeure : déléguer les fonctions humaines à l’intelligence artificielle ne présente-t-il que des avantages ? Quelles sont les possibilités qu’offre l’usage de l’IA parmi les travailleurs camerounais ? En avons évalué les risques ? M. Nsamè Franck Junior, Ingénieur informaticien, Chef de la cellule de gestion du projet SIGIPES (Système Informatisé de Gestion Intégrée du Personnel de l’Etat et de la Solde) au MINPOSTEL (Ministère des Postes et Télécommunications) a déroulé les opportunités offertes par l’IA aux travailleurs camerounais.

Opportunités offertes par l’IA dans la gestion des risques professionnels. Meilleure traçabilité et gestion des incidents

• Digitalisation des registres de sécurité.

• Applications de reporting en temps réel.

• Exemple:

– Plateformes centralisées de gestion des incidents, plans de prévention, audits.- Suivi automatisé des équipements de sécurité (contrôles périodiques, vérifications, maintenance).

– Outils de traitement automatique des rapports de conformité HSE.

Réduction des accidents de travail : Grâce à des systèmes de détection en temps réel, à la prédiction des incidents, et à la formation intelligente.

• Optimisation des processus de sécurité : Automatisation des inspections, alertes intelligentes, gestion centralisée des données de sécurité.

• Décisions plus rapides et objectives : L’IA analyse des volumes de données bien plus rapidement qu’un humain et identifie les tendances cachées.

• Gain économique pour les entreprises et la CNPS ( Caisse Nationale de Prévoyance Sociale) : Moins d’arrêts de travail, moins d’indemnités à verser, meilleure planification des ressources.

• Meilleure conformité aux normes HSE : Aide à suivre la réglementation, signaler les manquements et générer des rapports conformes.

C’est bien beau tout cela, plus de la moitié de la population mondiale possède un smartphone, selon le dernier Digital Report (rapport 2024) environ 5 Milliards de personnes utilisent internet quotidiennement et 4,5 Milliards sont actifs sur les réseaux sociaux. Avec la révolution liée à l’utilisation de l’IA c’est l’’ensemble des activités humaines qui seront régies par des algorithmes, capable de synthétiser beaucoup de facteurs simultanément.

La consommation d’énergie, les modes de transport, les choix de techniques agricoles, la production industrielle, sont autant de domaines d’activités qui seront bouleversés par ce nouvel outil. Néanmoins, il convient de continuer de se demander: déléguer les fonctions humaines aux machines est-il conforme à la gestion de la crise climatique que le monde traverse ?

Stéphanie Paquet, Coordonnatrice de projets SST à Preventum SST International, présente lors de ces travaux, a rassuré : « L’entreprise effectue des tests environnementaux pour identifier les risques et améliorer les conditions de travail des employés dans tous les secteurs, surtout les manutentionnaires. Pour une optimisation des pratiques, l’intégration de la durabilité se voit en ce que leurs auditeurs adoptent les protocoles de sécurité respectueux de l’environnement. En matière de gestion des produits chimiques, Preventum SST accompagne les industries dans la réduction et le contrôle des substances nocives et la mise en place de solutions plus écologiques. »

Secteur informel et précarité dans la sécurité sociale

Le secteur informel joue un rôle majeur dans l’économie camerounaise, qu’il convient de considérer d’ailleurs comme le véritable plus gros employeur. Selon une enquête de l’Institut National de la Statistique (INS), il représente plus de 3,4 millions d’unités de production informelles (UPI) au Cameroun. Ces unités sont réparties entre 63,7 % en milieu urbain et 36,3 % en milieu rural. Le secteur informel contribue à une masse salariale mensuelle de 25,6 milliards de FCFA. Le revenu moyen d’un travailleur informel est estimé à 83 409 FCFA par mois, contre 43 969 FCFA pour le SMIG (Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti) des agents de l’Etat en 2024, relevant du Code du travail au Cameroun.

Les promoteurs d’UPI ont versé 5,5 milliards de FCFA d’impôts mensuels en 2024, tandis que le budget des investissements annuels total des UPI est évalué à 54 milliards de FCFA.Malgré tout cela, c’est le secteur que l’on pourrait qualifier de parent pauvre de la santé et de la sécurité sociale au Cameroun. Pour mieux comprendre les paramètres derrière cette discrimination, nous avons abordé le sujet auprès de Dr Eyoum Dualla Bruno, Directeur de la Santé et Sécurité Sociale au MINTSS. Il affirme : « lorsque les législations ont été mises sur pieds, le MINTSS avait pour mission de régir la SST exclusivement pour les travailleurs encadrés par le Code du Travail. Mais des actions visent à les intégrer petit à petit, puisque le BIT (Bureau International du Travail) est en cours d’élaboration des conventions qui tiennent en compte l’économie sociale informelle. A la CNPS ils ont la possibilité de souscrire au système d’assurances volontaires, que vous soyez menuisier, taximen, cordonnier, vendeur à la sauvette, bayam-selam ( commerçante de vivres frais) , employé domestique, coiffeur…vous pouvez bénéficier de la SST. Néanmoins le défi demeure, car pour que le médecin du travail puisse couvrir les cas d’accidents dans l’exercice de leurs fonctions, cela induit un paiement mensuel au préalable, pour avoir recours aux services d’un médecin préventeur. L’assurance volontaire des travailleurs du secteur informel ne couvre que la branche pension-invalidité-décès, il faudrait que cela s’élargisse aux accidents du travail et risques professionnels. »

Le secteur informel est essentiel pour l’économie locale, mais il reste confronté à des défis majeurs, qui ne militent pas toujours en faveurs de la SST. Avec le consentement de l’OIT (Organisation Internationale du Travail), l’une des recommandations majeures des travaux de cette conférence c’est la mutualisation des efforts du secteur informel, pour garantir une meilleure SST dans ce secteur d’activité. Mais également la nécessité d’élaborer des statistiques fiables, pour les types de travaux du secteur numérique, qui ont fait apparaitre de nouvelles formes de maladies professionnelles. Parmi les prescriptions formulées, celle du MINPOSTEL suggère : de mettre en place une coopération solide avec les géants du numérique que sont les GAFAM (Google-Apple-Facebook-Amazon-Microsoft) pour la formation et la recherche en matière d’IA.

Ange ATALA