Le 22 mai 2025, à l’occasion de la célébration de la Journée Mondiale de la Biodiversité, les acteurs de la préservation de la biodiversité se sont réunis dans la salle de conférence du bureau siège de la Croix-Rouge à Yaoundé.
Sous la supervision du Ministre de l’Environnement, de la Protection de la Nature et du Developpement Durable (MINEPDED), M. Hele Pierre, différents sectoriels de l’administration publique, les militants membres des organisations de la société civile, les élèves et encadreurs de différentes structures, ont marqué l’évènement.
Le thème : « Harmonie avec la nature et développement durable », la rencontre a mis en lumière la participation effective de la délégation camerounaise à la récente conférence des parties qui y est dédiée. La COP16 (Convention des Nations Unies sur la Biodiversité) tenue à Cali en Colombie du 21 octobre au 1er novembre 2024, avec l’accompagnement de Mme Eloundou Joséphine, Inspecteur Générale au MINEPDED, et Point Focal Biodiversité au sein dudit ministère. Lors d’un exposé qui a restitué les travaux, il est ressorti que le Cameroun s’est démarqué par sa prise en considération de la participation des Peuples Autochtones, et des communautés locales (Article 8.J dédié à la préservation des traditions et au respect des savoirs traditionnels en lien avec le developpement durable). Le Cameroun a entériné la création d’un organe subsidiaire permanent, permettant de veiller au respect de l’application de leurs droits, un engagement qui témoigne de la volonté de voir une gouvernance inclusive et équitable en faveur de la biodiversité.

Relier la santé humaine à la santé des écosystèmes demeure un gros challenge, invités à cet évènement, les représentants de plusieurs communautés locales et Peuples Autochtones ont transmis leurs doléances sous la forme d’un sketch ( voir image ci-dessus). La biodiversité est essentielle pour les populations pygmées du Cameroun, qui dépendent des forêts pour leur subsistance, leur culture et leur spiritualité. Malheureusement, plusieurs menaces pèsent sur leur environnement naturel. L’exploitation forestière et agricole entraîne la destruction des forêts, privant les Pygmées de leurs ressources naturelles et de leurs territoires ancestraux. Les entreprises minières et forestières s’installent sur les terres des pygmées sans véritable consultation préalable, les poussant à l’exode et à la marginalisation. Il s’en suit la perte des savoirs traditionnels, car avec la disparition des forêts, les connaissances ancestrales sur la médecine traditionnelle et la gestion des écosystèmes sont menacées.
Les menaces multiples qui pèsent sur la biodiversité au Cameroun
D’après un rapport du Biodev 2030 : « La Biodiversité du Cameroun se présente comme l’une des plus diversifiées en Afrique en termes d’espèce, d’écosystèmes et de ressources génétiques, avec un fort degré d’endémisme (WWF, 2019). Le pays abrite 92% des écosystèmes et près de la moitié des espèces d’oiseaux et de mammifères d’Afrique. Cette biodiversité participe de façon considérable au bien-être des populations, au développement économique ainsi qu’à la recherche scientifique et médicinale. Son importance apparait davantage dans certains secteurs d’activités au Cameroun à l’instar de l’agriculture, la sylviculture et la pêche qui représentent 15% du PIB (MINEPDED, 2017a) et emploient plus de 50% de la main-d’œuvre du pays. Malheureusement, la riche biodiversité qu’abrite le Cameroun est fortement menacée par ces activités. En effet, environ 10% des espèces végétales et 815 espèces sauvages sont menacées d’extinction. De même, 50% d’espèces végétales dans les « hotspot » des écosystèmes montagneux et forestiers et 30% dans la zone côtière et maritime sont en voie de disparition (MINEPDED, 2017b). Selon le Ministère de l’Environnement, de la Protection de la Nature et du Développement Durable (MINEPDED), la dégradation des écosystèmes et l’exploitation non durable constituent les principaux dangers qui menacent la biodiversité au Cameroun. »
AMMCO pour la défense de la biodiversité marine sur les côtes camerounaises
L’African Marine Mammal Conservation Organization (AMMCO) joue un rôle clé dans la préservation de la biodiversité marine au Cameroun. Comme principal fait d’arme :
- Le Projet SIREN ( l’image de titre présente le MINEPDED testant une projection en réalité virtuelle, grâce à cette application) : AMMCO a développé une application mobile permettant aux pêcheurs et aux scientifiques de signaler les observations de mégafaune aquatique, comme les tortues de mer, les dauphins et les lamantins.
En outre, la Conservation des requins et des raies est au cœur de leurs activités, l’organisation mène des études sur ces espèces, dont la présence est méconnue du grand public camerounais, et milite pour leur protection légale, tout en sensibilisant les communautés locales sur la nécessité de leur appartenance à cette zone géographique, et leur importance écologique. Lors d’évènements comme le « Street Whale », AMMCO sensibilise le public aux enjeux de la biodiversité marine. Par ailleurs, faisant suite à leur forte action en faveur de la conservation de la biodiversité marine, une réserve connue sous l’appellation de Parc Marin de « Manyangue Na Elombo-Campo » d’une superficie de 110 300 Hectares a vu le jour. Ceci est la démonstration d’un engagement communautaire par cette organisation qui travaille avec les pêcheurs pour promouvoir des pratiques de pêche durables et encadrer la sécurité alimentaire tant des populations locales que des exogènes.

En dépit de ces actions, l’installation du Port en Eaux profondes de Kribi constitue une réelle menace pour la biodiversité marine locale. AMMCO s’associe à un réseau d’acteurs locaux dont fait partie Mme Djoumessi Marlène, Responsable éducation environnementale et action communautaire au sein de l’association Tube-Awu, qui transmet les plaintes : « les pêcheurs sont contraints d’entrer dans la zone de délimitation du Parc Marin, malgré l’interdiction, parce que leur territoire de pêche artisanale a été réduit suite à l’installation du Port, en outre les sites de reproduction de plusieurs espèces de poissons et crustacés ont été délocalisés, entrainant la réduction des quantités disponibles ». Le Port de Kribi, représente un investissement favorable à l’essor économique de la localité, de manière considérable, mais il ne faudrait pas occulter les impacts qui ont un effet sur la biodiversité locale.
Préservation de la biodiversité en marge de l’aménagement hydroélectrique de Kikot-Mbebe
Le projet du barrage hydroélectrique de Kikot-Mbebe, porté par Électricité de France (EDF) et le gouvernement camerounais, vise à renforcer l’infrastructure énergétique du pays à hauteur de 500 MW de puissance installée, pour rendre l’énergie durable. La société Kikot-Mbebe Hydro Power Company (KHPC) est détenue à 50% par l’Etat camerounais et le reste par EDF International SAS. L’aménagement hydroélectrique de Kikot-Mbebe est établi sur le fleuve Sanaga, l’énergie produite sera évacuée par ligne de très haute tension de 400KV sur un linéaire d’environ 40 km.
Bien que 527 hectares aient été sécurisés pour la construction du barrage, le choix de cette zone géographique n’est pas anodin. Au niveau de Kikot, la Sanaga est accélérée par des rapides et son lit se resserre, ce qui permet de construire un ouvrage compact. Le barrage envisagé se situe en aval de la confluence entre la Sanaga et le Mbam, configuration géo spatiale qui profite à la jonction des eaux des deux fleuves. En amont, plusieurs barrages réservoirs régulent le débit au courant de l’année entière, permettant ainsi à cette usine de production d’électricité de fonctionner pendant la saison sèche (marquée par les délestages d’électricité suite à l’assèchement des eaux des barrages existants) jusqu’à atteindre 75% de taux d’utilisation de l’énergie mis à disponibilité.
En ce qui concerne la gestion environnementale et sociale, le projet hydroélectrique de Kikot-Mbebe s’appuie sur les normes internationales et la démarche ERC (Eviter-Réduire-Compenser), pour veiller à la préservation de la biodiversité locale. Pour ce faire, une identification de 370 espèces de plantes terrestres, 60 espèces de poissons, 8 espèces de podostémacées, 200 espèces d’insectes, et bien d’autres ont été répertoriés, pour adresser une meilleure politique en vue de leur préservation, en marge des travaux d’installation du barrage. Plus de 3500 emplois directs au pic du chantier, à hauteur de 90% d’emplois réservés aux camerounais.
La zone du barrage couvre 10 villages, et celle de la ligne d’évacuation compte 13 villages, dont les processus d’évacuation physique et économique, se font en concertation avec la population locale lors des réunions publiques, et les pouvoirs publics, au sein d’un plan de developpement local participatif, des collectivités locales décentralisées concernées. Un accent particulier étant mis sur l’aménagement des centres de santé, la construction des écoles, l’installation des points d’accès à l’eau potable, l’appui des initiatives portées par les jeunes, le developpement des filières agricoles durables, etc. Bien que sa mise en service soit prévue au plus tôt, un décret présidentiel prévoit l’indemnisation des personnes affectées, et la mobilisation de 10 milliards de FCFA pour la préservation du Parc national du Mpem et Djim, aux voisinages de l’installation du barrage, démontre une volonté ferme de préservation de la biodiversité locale.

En matière de biodiversité, le sous-sol camerounais est une richesse souvent méconnue, mais elle joue un rôle crucial dans l’équilibre écologique et économique du pays. Elle comprend des micro-organismes, des minéraux rares, ainsi que des réserves d’eau souterraine essentielles à la vie. L’installation du barrage hydroélectrique de Kikot-Mbebe n’a pas négligé cet aspect, Mme Kiboum Antoinette, responsable des Etudes Environnementales au sein du projet, affirme : « des études entomologiques ont été réalisées, le plan d’action biodiversité est en cours d’élaboration, des piézomètres ont été installées dans la zone du projet , pour mesurer le niveau des eaux souterraines, des mesures seront prises pour éviter un dérèglement du sous-sol que ces eaux drainent, et seront réajustées au fur et à mesure des constats faits ».
Cependant, la biodiversité du sous-sol est menacée par l’extraction minière, la pollution des nappes phréatiques et le changement climatique. Il est donc essentiel de renforcer les politiques de conservation et de sensibiliser les populations à son importance. Malgré ces avancées, des efforts doivent aller au-delà des actions ponctuelles menées lors des commémorations des Journées Mondiales, et soutenir un dialogue permanent entre tous les acteurs de la chaîne de préservation de la biodiversité pour garantir l’effectivité de l’application du protocole de Kunming-Montréal au Cameroun, dans ses différentes zones écosystémiques.
Ange ATALA