MBOSCUDA célèbre l’autochtonie des Mbororo !

La Journée Internationale des peuples autochtones est célébrée le 9 août de chaque année. En cette occasion, la Coalition Foncière Nationale (CFN) aux cotés de MBOSCUDA et l’Association pour le Développement Communautaire (ADC) ,  a convié le public ce 05 Août 2024, à une journée de réflexion autour des défis auxquels le peuple Mbororo fait face au quotidien. Rencontre qui a eu pour cadre le théâtre de la verdure, au sein de l’Alliance française de Garoua.

L’évènement se situe dans un axe stratégique relatif au renforcement des capacités des membres de la CFN. En la présence des sectoriels d’administration, autorités académiques et locales,  le thème de cette journée de réflexion était : « la protection des droits des peuples autochtones en situation d’isolement volontaire ou de contact initial ». Plusieurs ateliers autour de la question, ont permis aux experts de divers secteurs d’activités de partager les connaissances avec des participants tant virtuels présents dans l’auditoire , autour de cette cause commune. Après les paroles introductives du président régional de l’association pour le Nord, M. Salihou Moussa, les présentations toutes  édifiantes les unes que les autres,  se sont succédées.  Dr Adamu Yuaufa, en sa qualité de président régional pour l’Extrême-nord nous a éclairé sur le caractère historique de l’implication de la Mbororo Social and Cultural Development Association (MBOSCUDA), dont des représentants ont pris part à la réunion historique,  qui a donné lieu à l’adoption d’un texte d’envergure internationale pour les peuples autochtones, et leurs recommandations figurent dans le communiqué final.

 En effet, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones , rendue publique le 13 septembre 2007 à l’occasion de l’Assemblée Générale  est un instrument international des droits de la personne, qui établit les normes minimales à respecter pour assurer la survie, la dignité et le bien-être des peuples autochtones du monde entier. La Déclaration aborde les droits tant individuels que collectifs, les droits culturels et l’identité, la citoyenneté, les droits à l’éducation, la santé, l’emploi, la langue, etc. Rappelons que le Cameroun compte en son sein deux groupes de populations reconnues comme autochtones minoritaires marginalisés : les pygmées (Baka, Bagyeli…) et les Mbororo.

Dr. Adamu Yuaufa: « ce qui fonde l’identité des Mbororo, c’est leur langue, leur religion, leur culture, leur mode de vie, restés authentiques au fil des années »

La particularité étant leur dépendance aux ressources naturelles pour survivre, et leur minorité numérique par rapport aux autres groupements ethniques. L’on conçoit donc aisément que la raréfaction des ressources naturelles, creusent des  écarts considérables qui s’accentuent avec  des crises de divers ordres. D’après de récents travaux menés par Fanta Dada Petel/Enseignante d’Université et chercheure, et Thierry Vircoulon,  sous le thème : « LES PEULS MBORORO DU NORD CAMEROUN : INSÉCURITÉS D’UNE SOCIÉTÉ PASTORALE ET LIMITES D’UNE REPONSE SÉCURITAIRE HYBRIDE ;  « Les Mbororo sont des Peuls qui, à l’inverse des Fulbé, ne se sont pas sédentarisés et ont pendant longtemps pratiqué un élevage nomade. Ils connaissent cependant une dynamique de sédentarisation dans le nord du Cameroun (Septentrion) depuis plusieurs décennies, à tel point que beaucoup d’entre eux sont des semi-sédentaires et des agro-pasteurs.»

Carte : Conservation, sécurité et transhumance au Nord Cameroun. Source : Observatoire des forêts d’Afrique Centrale, 2019.

La même étude poursuit que « Cette communauté d’éleveurs est confrontée à plusieurs insécurités : environnementale, foncière, fiscale et criminelle. Bien que le banditisme rural qui a pris de l’ampleur dans le Septentrion depuis le début du siècle affecte toutes les communautés, les Mbororo paient un tribut particulièrement lourd à ce fléau. Ils sont ciblés par les coupeurs de route devenus kidnappeurs et doivent vendre leur bétail pour payer les rançons. Cette épidémie de kidnappings a des conséquences déstabilisatrices sur la société rurale en général et sur les Mbororo en particulier qui s’appauvrissent, sont contraints de se relocaliser et de se reconvertir dans d’autres métiers ». Un tableau plutôt sombre, auquel vient s’ajouter les méfaits du dérèglement climatique, un défi pour les éleveurs nomades qui sont contraints de respecter le corridor de transhumance.

La faible représentativité des ressortissants Mbororo dans des postes décisionnels , est un facteur limitant, pour la prise en compte de leurs besoins.

En riposte aux cas d’abus,  Mme Menyie Ondoua Marthe ; cheffe d’antenne régionale  Nord, de la Commission des Droits de l’Homme du Cameroun (CDHC)  a présenté les mécanismes de protection des droits des peuples autochtones. Le numéro vert mis à la disposition du grand public pour dénoncer les cas de violations a été communiqué : 1523. Sans oublier de mentionner qu’une cellule d’aide psychologique est à disposition, et les différents corps des forces de maintien de l’ordre, coopèrent pour l’effectivité de cette disposition.  Selon un rapport récent de l’UNICEF, environ 42% des naissances dans les zones rurales du Cameroun ne sont pas enregistrées. Ce pourcentage est particulièrement élevé au sein de la communauté Mbororo, où moins de 10% des naissances sont enregistrées, pour une population totale estimée à 2 millions d’individus, répartis à travers le Cameroun.

Mme Laila Oumoul: « pour avoir un chiffre précis des populations Mbororo, il faut aller vers eux, ne pas attendre qu’ils viennent dans les bureaux « .

L’association MBOSCUDA a lancé un projet visant à faciliter l’établissement d’actes de naissance pour 600 enfants scolarisés au sein de leur communauté dans la région de l’Adamaoua. Un  projet qui s’est étendu à plusieurs   autres régions , pour répondre à la question de la citoyenneté , qui présente l’avantage de donner la possibilité à l’accès aux différents documents d’identité , et qui ouvrent la voie au droit de vote. D’ailleurs, parmi les panélistes figurait Mme Laila Oumoul, représentante des opérations électorales et référendaires d’ELECAM (Elections Cameroon) pour le Nord ; venu rappeler la nécessité pour le peuple Mbororo de se faire enregistrer dans les listes électorales en vue des prochaines échéances. Plusieurs campagnes d’identification de proximité ont permis d’enregistrer plusieurs Mbororo dans leurs cantons respectifs.   L’urgence est d’autant plus signalée,  que le calendrier des descentes pour l’année 2024 arrivera à terme le 31 août prochain.

Modibbo Salihou Moussa/ Président régional MBOSCUDA Nord :  » suite à un travail de cartographie par GPS réalisé aux côtés de SNV Cameroun, nous avons droit à 40 620 hectares de zone de pâturage, je maitrise chaque parcelle de terre qui nous est dû ».

Mme Tchounkep Stella ; chargée de campagne forêt à Greenpeace Afrique, a procédé à la restitution des travaux menés lors de la conférence des OSC du bassin du Congo, en ce qui concerne les politiques sociales portant sur la protection des peuples autochtones. En vue de la réduction de la vulnérabilité des peuples autochtones, il serait important de procéder à la : – reconnaissance des droits fonciers, -la participation aux décisions, –l’accès à la justice, – la protection de l’environnement : pour  promouvoir une gestion durable des forêts,  énoncer un décret d’application de la loi APA, qui encadre  l’accès et le partage des bénéfices issus des connaissances traditionnels, et biogénétiques que possèdent les peuples autochtones.

Quelques Recommandations

 Ce qui implique entre autre d’établir des MoU  entre les multinationales et les communautés vulnérables issues de ces minorités ethniques. De ces différents exposés il est ressorti que  le mode de vie nomade des Mbororo  contribue à la préservation des écosystèmes dont ils dépendent pour leur survie et leur bien-être. Ces mesures , associer à l’amélioration des conditions de dispensation du savoir, à l’instar de l’instauration du système des » écoles nomades » peuvent aider à renforcer la résilience des peuples autochtones face aux pressions externes et à conserver leur mode de vie traditionnel. La suite des activités liées à la célébration de la journée Internationale des peuples autochtones se tiendra dans la localité de Poli, un festival folklorique Mbororo y est prévu le 9 août 2024.

Ange ATALA