Crises climatique, sanitaire, sécuritaire : l’éducation n’attend pas, l’IA comme atout !

Différentes situations d’urgence ont mis en difficulté le secteur de l’éducation au Cameroun. Comme moyen de riposte, le programme pluriannuel de résilience au Cameroun, financé par   « Education Can not Wait »(ECW) ambitionne de veiller à offrir une éducation de qualité, et dans un environnement sain,  à tous les enfants en situation d’urgence humanitaire,  vivants sur le sol camerounais.

ECW a accordé un fonds de démarrage de 25 millions de dollars USD au Cameroun pour couvrir les besoins en éducation, en situation d’urgence. A l’occasion de la journée mondiale de l’éducation qui se célèbre tous les 24 janvier, Plan International Cameroon, l’un des partenaires de mise en œuvre du programme ECW a organisé un Media Corner, le 30 janvier 2025, sous le thème : « L’IA et l’éducation : investir dans les individus pour un avenir inclusif et équitable »

Education Cannot Wait (ECW) soutient ses partenaires au Cameroun pour répondre aux crises humanitaires complexes qui affectent le pays. Dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, les conflits et les violences provoquent la fuite de communautés entières et la fermeture d’écoles. L’Extrême-Nord est touché par les inondations et la crise de Boko Haram dans le bassin du lac Tchad. La violence et l’insécurité alimentent les déplacements de population à l’intérieur du Cameroun et de l’autre côté de la frontière avec le Nigéria. Les régions orientales du pays sont touchées par un afflux de réfugiés en provenance de la République centrafricaine, et plus récemment encore la crise sanitaire du Covid19, ont mis à mal le secteur de l’éducation.

Mme Mfomo Madeleine

Mme Mfomo Madeleine, la représentante du secrétaire technique d’ECW au Cameroun, auprès du Ministère de l’Education de Base (Minedub), a apporté quelques éclaircissements : « ECW est un fonds onusien, il est chargé de financer l’éducation en situation d’urgence , il a lancé son premier programme pluriannuel de résilience (MYRP) au Cameroun en 2022, en s’appuyant sur l’impact des précédentes subventions de la première réponse d’urgence (FER) d’ECW. Le constat fait état de 1 900 000 enfants, touchés par le phénomène, parmi lesquels 680 000 enfants ont été sélectionnés pour bénéficier du programme, selon le degré de vulnérabilité, mais seulement 227 000 enfants (60%  de filles)  dans 64 communes, dans les grands bassins d’hôtes de réfugiés ont pu bénéficier de cet accompagnement ».

En mettant l’accent sur les investissements dans les domaines du genre, de l’inclusion des personnes handicapées, de la santé mentale et du soutien psychosocial, le programme pluriannuel vise à accroître la capacité du système éducatif national à planifier, suivre, coordonner, financer et fournir des réponses éducatives de qualité dans les zones touchées par la crise. En plus d’améliorer la qualité des infrastructures d’accueil des apprenants, construction et réhabilitation des logements d’astreinte du personnel, renforcement des capacités des enseignants aux nouvelles situations d’urgence.

« Plusieurs enfants vont à l’école sans fournitures scolaires, en plus de la crainte d’affronter des reliefs accidentés suite aux catastrophes naturelles, ou encore des zones sous le contrôle de milices armées » Pascal Blaise Sol Mankono, Administrateur national chargé de l’éducation à l’UNHCR (Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés). Ce sont autant de facteurs qui mettent à mal la continuité du processus éducatif des enfants, et particulièrement de la jeune fille, et des enfants en situation de handicap. Garantir une éducation de qualité en temps de crise, nécessite de penser la nouvelle politique en la matière, mettre à profit le digital en tant qu’allié serait un atout. « Tous les départements, dans toutes les régions sont connectées à la fibre optique, ce qui a permis d’atteindre 93% d’usagers du téléphone mobile »,  nous rassure M. François Joseph Nnemete  Beyeme, sous-directeur de la règlementation des télécommunications et des TIC au Ministère des Postes et Télécommunications ( Minpostel).  Ce taux de couverture est l’un des plus compétitifs en Afrique, et place le Cameroun en bonne position, pour permettre l’accès à un contenu éducatif, jusque dans l’arrière-pays.

En outre le caractère inclusif nécessite la baisse des coûts d’accès à l’internet, pour ce faire, les Ministères en charge de l’éducation et le Minpostel, ont collaboré pendant la crise du Covid19, à travers  l’implémentation des dispositifs de cours à distance. Des plateformes d’E-learning ont été  mises à contribution, « pour que les crises ne constituent plus un frein à l’éducation », l’Intelligence Artificielle  (IA) vient en renfort, pour accéder à des contenus sélectifs, telles que des bibliothèques en ligne, des plus grandes institutions éducatives du monde. La question de la production des données contextualisées apparaît, pour que les apprenants soient équipés sans se déconnecter des réalités locales. Une stratégie nationale sur l’usage de l’IA est en cours de préparation, avec la contribution de toutes les administrations publiques et collectivités locales décentralisées,  mettant en exergue une éducation inclusive de qualité, qui prend en compte les contextes de crise.

François Joseph Nnemete Beyeme

Bien que le numérique présente des avantages, favorables à l’éducation en période de crise, le droit de la protection des enfants demeure une prescription, pour son effectivité, afin de veiller à la non vulnérabilité de l’intégrité humaine. Le Cameroun a promulgué la Loi N°2023/009 du 25 juillet 2023 portant charte de protection des enfants en ligne. Cette loi vise à assurer une protection accrue des enfants dans le cyberespace. Comme mesures de sécurité, ladite Loi impose des sanctions telles que la suspension de l’accès à internet ou à des contenus numériques pour les auteurs de contenu nuisible, ainsi que la mise en place de guides de bonnes pratiques et de moyens techniques de contrôle de l’accès des enfants à internet.

« Au Cameroun, le Minpostel a été avant-gardiste en matière de cybercriminalité, un plan d’action est en cours d’élaboration pour adresser la Loi, afin que le type de contenus nocifs, ou encore des contenus ayant des biais technologiques soient maîtrisés ; le caractère participatif de ce plan d’action a nécessité plus de temps dans son élaboration, pour que l’avis de la majorité soit pris en compte », a ajouté M. Nnemete. D’ailleurs le Cameroun a également promulgué la Loi sur la protection des données à caractère personnels, toute une réglementation pour transcender l’usage du digital, à bon escient, en faveur d’une éducation inclusive.

Kusonika Ngolu Ruth, participante au programme ECW, étudiante en 3 ièm année de médecine à l’Université de Yaoundé 1, réfugiée originaire du Congo.

L’organisation humanitaire Plan International Cameroon prend à cœur la question de l’éducation, Roland Ngwang, le spécialiste de l’éducation en situation d’urgence dans la structure, est intervenu en disant : «  nous sommes très sensibles aux besoins et réalités contextuels, et les crises mettent une forte pression sur l’utilisation des ressources tant humaines que matériels, pour une réponse d’urgence, une stratégie est élaborée pour s’assurer que les effets soient moins conséquents sur les enfants.  Nous ne sommes pas figés sur les méthodes de riposte, raison pour laquelle nous collaborons étroitement avec plusieurs partenaires institutionnels,  certaines interventions étant cycliques, et d’autres ponctuelles. Le plus important est le caractère équitable et inclusif de la réponse humanitaire que l’on apporte, à travers des programmes éducatifs adaptés ».

Rappelons que le Programme Pluriannuel de Résilience a été élaboré par un groupe de travail multisectoriel constitué des ministères œuvrant dans l’éducation (MINEDUB, MINESEC, MINEFOP, MINJEC) et la mise en œuvre dudit projet est assurée par un consortium de bénéficiaires, à savoir le Conseil Norvégien pour les Réfugiés -NRC (3 millions de dollars), le HCR (5,6 millions de dollars), Plan International (3,2 millions de dollars), le Programme Alimentaire Mondial (2,9 millions de dollars), l’UNESCO (3,5 millions de dollars) et l’UNICEF (6,8 millions de dollars), conformément aux plans du gouvernement camerounais pour l’éducation dans les régions du pays touchées par la crise.

Ange ATALA