Le sujet a été abordé autour d’un café science à Yaoundé, avec la mobilisation des acteurs clés, ce mardi 30 septembre 2025 .
Dans la salle feutrée du restaurant Rue Case Nègre, au quartier Elig-Essono, une trentaine de professionnels se sont associés aux hommes de médias, dans le domaine de la filière forestière au Cameroun.
Loin des amphithéâtres académiques, c’est dans ce cadre informel que se sont dessinés les contours d’une nouvelle ère de transparence pour les forêts du bassin du Congo. L’événement, orchestré par l’Association des journalistes et communicateurs scientifiques ( SciLife) en partenariat avec le Programme d’amélioration de la gouvernance en milieu forestier, a rassemblé un écosystème complet : l’organisation Forêts et Développement Rural (FODER), le World Resources Institute (WRI), le Centre pour l’Environnement et le Développement (CED) et le Field Legality Advisory Group (FLAG). Une constellation d’acteurs unis par une conviction : sans transparence, point de forêts durables.
L’Open Timber Portal, un œil citoyen sur les concessions forestières
Au cœur des débats, l’Open Timber Portal (OTP) s’est imposé comme l’instrument de rupture tant attendu. Cette plateforme numérique promeut le respect de la légalité dans la production et le commerce du bois en apportant la transparence dans les opérations forestières. Concrètement, l’OTP rend publiques des informations jusque-là verrouillées dans les tiroirs administratifs : localisation des concessions, permis d’exploitation, rapports d’infractions.
Conçu par le WRI, l’outil compile des informations provenant des gouvernements, du secteur privé et des observateurs indépendants dans les pays producteurs. Une révolution silencieuse qui transforme le simple citoyen en vigie des forêts.
« L’OTP et l’observation indépendante ne sont pas de simples outils techniques ; ce sont des piliers de la démocratie forestière », a martelé l’ des experts présents. « Ils donnent aux communautés et à la société civile les moyens de veiller à ce que nos forêts soient gérées de manière équitable et légale. »
Pour Justin Christophe Kamga, Coordonnateur de FODER, ces mécanismes visent également à assurer la disponibilité de bois légal pour les menuisiers locaux et à créer des emplois pour lutter contre le sous-emploi dans le secteur. Une double ambition : protéger la ressource et nourrir l’économie locale.
La collaboration multi-acteurs, épine dorsale de la gouvernance
Si un message a résonné avec force dans les murs de Rue Case Nègre, c’est bien celui de la synergie. « La gouvernance forestière ne peut être efficace que si toutes les voix sont entendues et si tous les efforts sont coordonnés. C’est dans l’unité que nous trouverons des solutions durables pour nos forêts », a affirmé un participant.
Cette conviction n’est pas qu’un vœu pieux. Elle répond à une réalité de terrain : la corruption endémique, les capacités institutionnelles limitées, l’application parcellaire des lois. « Nous avons de bonnes lois, mais leur application reste notre plus grand défi. Il faut une volonté politique forte et une vigilance constante de la société civile pour transformer ces textes en réalité sur le terrain », a reconnu un représentant de la société civile.

L’Observation Indépendante Externe (OIE), présentée comme le bras armé de cette vigilance citoyenne, agit comme un mécanisme de contrôle essentiel. Elle identifie les infractions, alerte les autorités et garantit que les lois forestières ne restent pas lettre morte.
Le RDUE et le Forest Partnership, catalyseurs de changement
L’horizon 2025 s’annonce décisif avec l’entrée en vigueur du Règlement zéro déforestation de l’Union européenne (RDUE). Ce texte imposera des exigences drastiques de traçabilité pour tout produit forestier – bois, cacao, café – importé sur le Vieux Continent. Un défi de taille pour le Cameroun, mais aussi une opportunité historique.
Le Forest Partnership, initiative phare du Global Gateway européen, vise quant à lui à promouvoir une gestion durable des forêts et à développer des chaînes de valeur responsables dans les pays partenaires. « Le RDUE et le Forest Partnership ne sont pas seulement des contraintes, mais une chance unique pour le Cameroun de moderniser son secteur forestier, d’attirer des investissements durables et de garantir un avenir pour ses forêts et ses populations », a conclu un participant.
Les défis persistent, mais l’espoir grandit.
Malgré les avancées technologiques et réglementaires, les obstacles demeurent nombreux. La faible implication des communautés locales, la distribution inéquitable des bénéfices forestiers, le renforcement nécessaire des cadres juridiques et la formation des acteurs figurent en tête de liste des chantiers à mener.
Mais dans la salle du restaurant Rue Case Nègre, ce 30 septembre, l’optimisme prudent l’emportait. Car pour la première fois peut-être, tous les acteurs de la chaîne forestière – du bûcheron au décideur, du chercheur au militant – parlaient d’une même voix. Celle de la transparence, de la légalité et de la durabilité.
Dans le bassin du Congo, deuxième poumon vert de la planète après l’Amazonie, chaque hectare de forêt sauvé compte. Et chaque donnée rendue publique sur l’OTP peut faire la différence entre une concession exploitée légalement et une parcelle sacrifiée sur l’autel de la cupidité.
Le pari de la gouvernance forestière au Cameroun se joue maintenant. Entre les lignes de code de l’Open Timber Portal et la détermination des acteurs de la société civile, se dessine peut-être l’avenir des forêts d’Afrique centrale.
Axel ALIMA( stg)
