Le diable de mer (raie mobula mobular), géant majestueux des mers méditerranéennes, vient d’être reclassé officiellement en « danger critique d’extinction » par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), marquant l’effondrement brutal de sa population en seulement sept ans. Cette alerte rouge signale bien plus qu’une simple statistique conservationniste : elle révèle la fragilité d’une espèce clé pour la biodiversité marine et les équilibres économiques régionaux.
Symbole vivant de la biodiversité méditerranéenne, le diable de mer joue un rôle fondamental dans les écosystèmes côtiers. Sa disparition compromettrait l’intégrité des chaînes alimentaires marines et affecterait directement la viabilité des stocks de poissons commerciaux essentiels à l’économie halieutique régionale. Au-delà de la pêche traditionnelle, cette espèce possède une valeur touristique considérable : les observations de mobulas attirent plongeurs et passionnés de vie marine, générant des revenus touristiques importants dans les régions côtières. Chaque individu disparu représente une perte irremplaçable de capital naturel et économique.
Le diable de mer subit des pressions multiples et convergentes : prises accidentelles dans les filets de pêche industrielle, pêches ciblées et intensives pour répondre à la demande asiatique notamment pour le commerce illégal de branchies, pollution marine, réchauffement des océans, trafic maritime croissant et dégradation des habitats côtiers. Ces menaces affectent directement l’économie bleue en affaiblissant les ressources halieutiques, en réduisant les opportunités touristiques et en érodant la valeur génétique et écologique de cette espèce. Bien que la France interdise strictement la capture du diable de mer sur son territoire maritime, l’absence de protection internationale coordonnée crée des vides réglementaires exploités à l’échelle mondiale, rendant ces mesures nationales insuffisantes.
Le déficit de connaissances scientifiques—concernant les parcours migratoires, les zones de reproduction et la structure des populations—entrave la mise en place d’un plan de protection efficace et internationalement coordonné. C’est précisément pour combler ce manque que la Fondation de la Mer soutient l’association AILERONS, basée à Montpellier et spécialisée dans l’étude et la conservation des raies et requins de Méditerranée. Cette collaboration repose sur des méthodes de recherche modernes : la photo-identification permet de reconnaître individuellement les mobulas grâce aux motifs uniques présents sur leur ventre, des balises satellitaires tracent leurs déplacements et comprennent leurs routes migratoires, tandis que des prélèvements génétiques fournissent des données inédites sur leur reproduction et leur évolution. Ces investissements en recherche sont des investissements économiques : une meilleure compréhension de l’espèce permet de concevoir des mesures de protection efficaces qui préservent à la fois la biodiversité et les ressources économiques qui en dépendent.
La mobilisation doit être immédiate. Le diable de mer n’est pas qu’un enjeu de conservation écologique : sa protection garantit la durabilité des pêcheries, sauvegarde le potentiel touristique côtier et préserve l’équilibre des écosystèmes marins dont dépendent des millions de personnes autour de la Méditerranée. Le diable de mer est le reflet d’un océan en souffrance, mais aussi le symbole d’une richesse économique et écologique qu’il n’est pas trop tard de sauver. Agir maintenant, c’est investir dans la prospérité économique et la résilience environnementale de demain.
DJAMOU Rocelin Herve
