Le financement américain pour la protection des Grands Lacs se réduit drastiquement alors que ces écosystèmes font face à des défis majeurs de durabilité. Cette décision compromise l’effort bi-national de restauration durable d’une ressource naturelle critique pour des millions de personnes.
Le gouvernement américain prévoit de réduire le financement de l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis (EPA) de 54 % pour 2026, ce qui menace les efforts de restauration et de gestion durable des Grands Lacs. Cette réduction budgétaire intervient à un moment critique où les Grands Lacs font face à des défis environnementaux croissants qui exigent une mobilisation scientifique et financière accrue. En juillet, l’EPA a annoncé qu’elle allait fermer son Bureau de la recherche et du développement et licencier des milliers d’employés. Cette décision met en péril la durabilité à long terme de ces écosystèmes essentiels.
Les chercheurs canadiens et américains craignent que ces coupes ne compromettent les avancées majeures réalisées en matière de durabilité écologique. Thunder Bay pourrait être retirée de la liste fédérale des quatre zones préoccupantes le long de la rive nord du lac Supérieur, mais la réduction du financement de l’EPA risque de freiner cette avancée. Cette avancée revêt une importance capitale : elle symbolise le succès possible d’une gestion durable et coopérative des écosystèmes lacustres frontaliers. L’annuler serait un coup porté aux principes de durabilité environnementale.
La durabilité des Grands Lacs repose sur une approche intégrée combinant recherche scientifique rigoureuse, monitoring continu et mise en œuvre d’actions correctrices. Depuis des années, les Premières Nations le long de la rive nord du lac Supérieur, y compris Biigtigong Nishnaabeg, participent à des efforts visant à réduire les niveaux de contamination au mercure. Ces initiatives locales et autochtones constituent des piliers essentiels d’une gestion durable et culturellement respectueuse des ressources naturelles. Réduire les financements sapperait ces partenariats.
L’équipe de la stratégie RAP travaille actuellement à l’amélioration des zones humides et des cours d’eau qui se jettent dans le lac Supérieur dans le cadre des efforts visant à retirer Thunder Bay de la liste des zones préoccupantes sur le plan environnemental. Ces travaux d’amélioration écologique représentent l’essence même d’une approche durable : restaurer progressivement les écosystèmes dégradés plutôt que de perpétuer la contamination. La coupe budgétaire menace d’interrompre cette trajectoire de rétablissement.
Les enjeux climatiques amplifient l’urgence de maintenir une recherche et une gestion durables. Malgré les efforts pour nettoyer la rive nord du lac Supérieur, la pollution et le changement climatique restent une préoccupation, et la présence d’algues bleu-vert dans le lac a augmenté ces dernières années avec la hausse des températures du lac. Ces phénomènes illustrent comment les défis climatiques complexifient la gestion durable des écosystèmes lacustres. Sans financement adéquat pour la recherche, la résilience des Grands Lacs face à ces transformations climatiques s’érode.
Un rapport de la Commission des Grands Lacs de 2021 a révélé que, depuis 2003, les niveaux de mercure avaient diminué de 6 à 7 % dans le lac Supérieur. Cette réduction progressive démontre le succès possible d’une gestion durable fondée sur des engagements científiques à long terme. Cependant, ce progrès fragile est maintenant menacé. Tim Hollinger, coordonnateur des plans d’action correctrice, craint que les États-Unis ne fassent pas assez pour maintenir les populations de lamproies marines.
De plus, l’administrateur de l’EPA, Lee Zeldin, a dévoilé un plan visant à annuler les réglementations environnementales sur les centrales électriques, les normes sur le mercure et les toxiques atmosphériques, ainsi que les réglementations sur les eaux usées pour le développement pétrolier et gazier. Ces reculs réglementaires contredisent directement les principes de durabilité et risquent de remettre en circulation des polluants qu’une gestion durable avait teintée à réduire. Tim Hollinger craint que ces reculs réglementaires augmentent les niveaux de mercure dans les poissons du nord-ouest de l’Ontario.
Les dimensions sociales de la durabilité sont également mises en danger. La Première Nation de Biigtigong Nishnaabeg considère que réduire les efforts environnementaux serait quelque chose qui affecterait négativement notre économie, mais aussi la capacité des peuples autochtones et non autochtones à obtenir des aliments frais et accessibles. La durabilité n’est pas qu’une question écologique : elle englobe la sécurité alimentaire, les droits des peuples autochtones et l’équité intergénérationnelle.
Les gouvernements canadien et américain ont signé l’Accord Canada-États-Unis relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs (AQEGL) en 1972, engageant les deux pays à travailler ensemble pour restaurer et maintenir l’intégrité chimique, physique et biologique du système des Grands Lacs. Cette convention bilatérale reflète une vision partagée de la durabilité transfrontalière. Tim Hollinger déplore que la situation actuelle ne présage rien de bon pour l’application de notre accord.
La réduction brutale des investissements américains dans la recherche et la protection des Grands Lacs représente un recul majeur pour la gestion durable d’une ressource naturelle partagée. Les Grands Lacs fournissent eau douce, aliments et moyens de subsistance à des millions de personnes. Une gestion durable exige des engagements financiers constants, une recherche scientifique ininterrompue et une volonté politique de long terme. Les coupes budgétaires proposées sapent cette durabilité et risquent de compromettre des décennies d’efforts de restauration écologique. Pour les communautés qui dépendent de ces lacs, l’enjeu est existentiel : on parle de la durabilité de leurs écosystèmes, de leur sécurité alimentaire et de leur avenir.
Gerard ENONE NNOKO
